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« Elle est où la solidarité ? »

Dans le compte rendu de la réunion du conseil municipal du 12 septembre dernier, il est indiqué que « l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) est très attentive à la situation de Saint-Colomban-des-Villards, mais n’a aucun pouvoir ».

Pour illustrer combien l’ANMSM est « très attentive » à la situation des stations en difficulté et à quel niveau se situe son engagement, prenons l’exemple de la station de l’Alpe du Grand Serre que la communauté de communes de la Matheysine a décidé de ne plus soutenir.

Une aumône…

Le 3 septembre dernier, Jean-Luc Bloch, président de l’ANMSM et maire de La Plagne, a donné une interview au Dauphiné libéré dans laquelle il affirme :

« La fermeture (de l’Alpe du Grand Serre) est une aberration politique alors que (cette station) avait fait une de ses meilleures saisons au cours de l’hiver. Or, il y a une chose simple à comprendre : quand on arrête une telle activité avec 200 personnes qui se retrouvent au chômage, c’est un coût pour l’État. (…) Il faut retransférer la compétence à la commune de la Morte pour, ensuite, trouver des solutions, car on a vu qu’au sein de l’intercommunalité, c’est la politique qui prend le pas sur l’économie. Cette station a encore un avenir dans les 50 prochaines années avec le haut du domaine skiable accessible par des télésièges. » (*)

Des propos qui ont fait réagir Coraline Saurat, présidente de la communauté de communes de la Matheysine, qui a répondu le lendemain, toujours dans Le Dauphiné libéré. Sa réaction montre quel « soutien » concret elle a reçu de l’ANMSM :

« Monsieur Boch crache aux visages de 54 élus ruraux et de montagne de tous bords politiques dévoués à leur territoire, amoureux de leur station. C’est de l’ingérence, de la basse politique, celle qu’on méprise, celle qui n’est pas constructive et qui attise les haines. (…) Alors que la commune de la Morte n’y arrivait plus seule, l’intercommunalité a tout mis en œuvre depuis 2017 pour sauver l’exploitation des remontées mécaniques de l’Alpe du Grand Serre. Elle ne peut plus aujourd’hui supporter les coûts de fonctionnement et n’a pas pu s’engager dans le projet partenarial avec la Sata (**) pour lequel il manquait 10 millions d’euros. Et si cela avait été si facile de dire oui, nous l’aurions fait depuis longtemps. Car, ne vous en déplaise, nous l’aimons notre station, nous souffrons aussi et sommes soucieux de l’avenir des professionnels. (…) (L’intercommunalité) était au fond du trou en 2024, sommée par la chambre régionale des comptes de cesser (l’exploitation de la station) face (à son) déficit récurrent. (…) Monsieur Boch nous a donné, par le biais de son association, 10 000 euros en guise de solidarité. Il en manquait 1 million pour cette saison. Ces mêmes 10 000 euros, il nous les réclamait sans cesse en guise de cotisation à l’ANMSM alors que nous étions déjà la tête sous l’eau. (…) Elle est où la solidarité ? Facile de donner des leçons quand on a les poches pleines et la connaissance vide. La Matheysine, ce n’est pas la Plagne. Les riches moralisateurs qui regardent les petits crever à coups de grandes déclarations. Monsieur Boch en est le cliché parfait. » (*)

Sans commentaire.

Sur le renflouement des SPIC…

Le 1er août dernier, devant le conseil municipal de Saint-Colomban-des-Villards, Pascal de Thiersant a indiqué que son étude visant à mesurer les retombées économiques d’un domaine skiable sur l’économie locale (dont il a présenté les résultats pour Saint-Colomban-des-Villards) avait aussi pour objectif de faire changer la loi quant au fonctionnement des services publics à caractère industriel et commercial (SPIC) qui ne peuvent pas être renfloué par des subventions publiques en cas d’exercice déficitaire.

À ce sujet, le 15 octobre dernier, Vincent Rolland, député de la Savoie (2e circonscription, Albertville et Tarentaise), a posé une question écrite au gouvernement :

« M. Vincent Rolland attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les subventions d’équilibre aux budgets annexes des collectivités. Les budgets des services publics à caractère industriel et commercial (SPIC) sont tenus en principe d’être équilibrés à l’aide des seules recettes propres au budget. Des dérogations au principe d’équilibre sont toutefois prévues et notamment à l’article L. 2224-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) sous réserve qu’une décision prenant en charge les dépenses du SPIC dans le budget général de la commune soit votée. C’est le cas en l’espèce pour une partie des communes situées dans la 2e circonscription de Savoie où le budget principal de la commune abonde chaque année celui des remontées mécaniques (budget annexe). Cette dérogation est vitale pour de nombreuses communes de montagne. En effet, les stations se développent grâce aux investissements très importants (la sécurité des skieurs, les garages pour dameuses, les télésièges, les travaux de pistes, etc.) réalisés sur le budget des remontées mécaniques. Ces investissements massifs s’inscrivent en conséquence parfaitement au 4e alinéa dudit article mentionné ci-dessus. Celui-ci indique par ailleurs qu’une délibération motivée doit fixer « les règles de calcul et les modalités de versements des dépenses du service pris en charge par la commune ». Or il n’existe aucune formule générale visant à justifier les modalités de versements. Et sans ce versement, l’équilibre économique de ce budget ne saurait être assuré uniquement par la redevance versée par le délégataire dont le montant est déterminé en fonction de son chiffre d’affaires. Pour équilibrer le budget 2024 de certaines stations, il conviendrait d’appliquer pour certaines d’entre elles une augmentation de 53 % sur l’ensemble des forfaits. Une augmentation excessive des tarifs qui serait insupportable tant pour les usagers que pour le domaine skiable qui perdrait toute attractivité. Les collectivités travaillent chaque année activement pour trouver des solutions permettant l’équilibre économique de ce budget annexe. Aussi, M. le député demande si la mention du calcul qu’une telle hausse du prix des forfaits impliquerait, pourrait suffire à répondre aux conditions prévues par le CGCT. Il lui demande par ailleurs, s’il juge pertinent de justifier par la loi qu’une telle règle de calcul soit obligatoire pour les collectivités dont les élus locaux font déjà face à une telle complexification des règles de droit. Enfin, il souhaite savoir si un abondement par délibération du conseil municipal de la collectivité pour équilibrer ces budgets annexes par dérogation ne pourrait pas suffire. »

Le 9 septembre dernier, près d’un an plus tard, une réponse a été publiée… qui sonne comme une fin de non-recevoir :

« Conformément au 2° alinéa de l’article L.2224-2 du CGCT, une commune peut prendre en charge une partie des dépenses d’un service public à caractère industriel et commercial, à titre exceptionnel sous certaines conditions strictes, notamment lorsque « le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d’usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ». Pour justifier l’application de cette exception, il est impératif que le conseil municipal adopte une délibération motivée, incluant des règles de calcul démontrant que l’augmentation des tarifs, nécessaire pour équilibrer le budget du service public à caractère industriel et commercial, serait effectivement excessive. Ces règles doivent justifier que la hausse tarifaire dépasse un seuil considéré comme acceptable, tenant compte des spécificités locales et des contraintes économiques pesant sur les usagers. Le calcul justifiant cette augmentation tarifaire potentielle suffit. Le caractère obligatoire des règles de calcul, imposé par l’article L.2224-2 du CGCT, répond à un objectif précis : encadrer et maîtriser l’application des dérogations, afin de préserver le principe d’autonomie financière des services publics à caractère industriel et commercial tout en garantissant leur fonctionnement dans des situations exceptionnelles. En rendant cette formalisation obligatoire, le législateur accroît le caractère exceptionnel de la dérogation, exigeant une démonstration rationnelle et motivée des circonstances justifiant la prise en charge par le budget général de la commune. De la même manière, il renforce la transparence et la responsabilité des élus locaux, en exigeant qu’ils présentent des justifications économiques et financières détaillées aux citoyens et aux organes de contrôle. Il est donc pertinent de maintenir cette obligation. En l’état actuel du droit, l’attribution d’une subvention, par délibération du conseil municipal, à des budgets annexes qui entreraient dans le champ des dérogations de l’article L2224-2 du CGCT ne peut suffire si cette délibération n’est pas assortie des règles de calcul et des modalités de versement des dépenses du service pris en charge par la commune, ainsi que le ou les exercices auxquels elles se rapportent. »

D’où l’on conclut que le déficit d’un SPIC peut être comblé par la collectivité territoriale s’il est dû à des investissements que ne pourraient pas totalement équilibrer une augmentation « raisonnable» des forfaits. Pas s’il résulte de l’exploitation…

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(*) Propos recueillis par Robin Charbonnier, Le Dauphiné libéré (éditions du 2 et du 3 septembre 2025).↩︎ 
(**) N. D. L. R. : SATA : Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez et des Grandes Rousses (SATA Group depuis 2021) qui a repris l’exploitation du domaine skiable de l’Alpe du Grand Serre l’hiver dernier.↩︎

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