À l'honneurExpositionPatrimoine

Exposition Pierre David-Nounaz dans la chapelle du Bessay

Une quinzaine de familles des Villards ont répondu à l’appel lancé il y a quelques mois par la mairie de Saint-Alban-des-Villards pour rassembler des photographies originales ou inédites de Pierre David-Nounaz dans le but d’en présenter une rétrospective. Jacqueline Dupenloup : « De nombreux clichés pris entre 1901 et 1934 seront exposés : photographies de mariages, de fêtes, de conscrits, de Villarinches en costume, denfants endimanchés… et parfois de paysages que le temps a changés. Pierre David n’a certainement pas fait fortune, mais il a, c’est certain, pratiqué un métier qui le passionnait et il nous laisse un fonds documentaire important. Plusieurs habitants de Saint-Alban se sont attachés à identifier les lieux et les personnes ; qu’ils en soient remerciés, tout comme les propriétaires des clichés qui ont bien voulu les mettre à disposition pour numérisation. Sans doute, au fil des découvertes des vues exposées, d’autres personnes seront en mesure d’apporter des compléments d’information, sur les photos mais aussi, espérons-le, sur le parcours de ce personnage atypique, qui sut s’emparer d’une technique et d’un art naissant en l’exerçant dans sa commune de montagne. »

L’inauguration de cette exposition se déroulera à 10 h 30 devant la chapelle du Bessay et sera suivie d’une réception à la mairie de la commune. Comme complément à cette présentation, nous publions (encart ci-dessous) un portrait de Pierre David-Nounaz que Roger Darves et Pierre Quézel-Mouchet avaient dressé pour Le Petit Villarin en 2001.

■ Reproduction d’un document tiré à partir d’un négatif sur plaque de verre pris entre 1895 et 1900.

Pierre Joseph David-Nounaz (David-Nonaz sur son acte de naissance) est né le 22 août 1868 au hameau du Mollard. Son père, François, a 42 ans et sa mère, Justine, née Darves-Blanc, 33. Il est l’aîné d’une fratrie de 3 qui comprend Marie-Mélanie (David-Nonaz sur l’acte de naissance, qu’on appellera Virginie), née en juillet 1870, et Antoine (David sur l’acte de naissance) né en août 1872. Dans la table décennale des naissances de Saint-Alban-des-Villards couvrant la période 1863-1873, celle de Pierre est répertoriée sous le patronyme David-Boccaz sans qu’on en connaisse les raisons (simple erreur ?), celle de sa sœur Marie-Mélanie sous le nom David-Nonaz et celle d’Antoine sous le nom David…
Pierre David-Nounaz disparaît à 66 ans le 1er septembre 1934, suite à une intervention chirurgicale, à l’hôpital de la Charité de Lyon (2e arrondissement ; démoli en 1934 pour cause d’insalubrité, seul le clocher de l’église a été conservé).

■ Extrait de la table décennale des naissances à Saint-Alban-des-Villards entre 1863-1873. La naissance des enfants David est mentionnée aux lignes 128, 130 et 134. – (Archives départementales de la Savoie.)

Orphelin de père à 14 ans, Pierre David (il ne mentionnera presque jamais le composé Nounaz ou Nonaz) est inscrit dans les premiers recensements de la population de Saint-Alban-des-Villards, de 1881 à 1896, comme « enfant de cultivatrice » ou « cultivateur » lui-même. Ce n’est qu’en 1901, pour la première fois, qu’il est recensé comme « artiste peintre ». Il se déclarera ensuite « photographe » (recensement de 1906), puis « peintre » (1911), puis de nouveau « photographe » (1921, 1926 et 1931). Comment expliquer ces changements ?

Pierre David-Nounaz est admis en qualité d’élève libre à l’École des Beaux-Arts de Lyon le 5 janvier 1898 (l’inscription effective date du 26 janvier 1898). Il a presque 30 ans. Il habite alors chez un M. Darves (le prénom n’est pas indiqué) qui demeure à Lyon au 269 de la rue Paul-Bert. Les registres du recensement de Lyon de 1896 permettent cependant de préciser que dans cette rue, et à ce numéro, vivaient Pierre Darves-Bornoz, 41 ans, épicier, son épouse, Joséphine, 42 ans, leur fils Joseph et leur fille Mélanie respectivement âgés de 19 et 14 ans. (Cette famille n’est plus mentionnée dans cette rue au recensement de 1901.) Le 1er août 1899, Pierre David-Nounaz est affecté « au modèle vivant ». Après plusieurs mois d’absence, il quitte l’école en juillet 1900 pour y rentrer de nouveau en 1901. Il l’a « quittera » définitivement le 1er juin de la même année (*). Est-ce à partir de cette année-là qu’il se consacre entièrement à la photographie ?

Nous n’avons rien trouvé qui puisse indiquer qu’il ait appris la photographie à Lyon dans une école spécialisée. L’a-t-il découverte à l’occasion de son séjour à l’École des Beaux-Arts en fréquentant le milieu artistique lyonnais à un moment où les techniques liées à cet art se développaient rapidement ? Enfin, Pierre David a également pratiqué la photopeinture (document ci-dessous) qui allie les deux genres artistiques (son cachet n’indique-t-il pas « Aux Arts Réunies ? »), photographie et peinture, également appelée photographie coloriée, photographie teintée, photographie peinte à la main…

________________________________________________
(*) Donc après le recensement de 1901 – réalisé le 26 avril – où il déclarait encore être « artiste peintre ».↩︎

Pierre David-Nounaz, artiste peintre et photographe

Pierre David-Nounaz est mort le 1er septembre 1934 au cours d’une  intervention chirurgicale (opération d’une hernie), à Lyon où il avait été transporté. L’un de nous le revoit encore, un jour de la fin août, descendre à grand peine du Mollard, avec sa sœur Virginie (*), par le chemin qui arrive au Frêne où l’attendait Camille Girard (**) pour le conduire jusqu’à la gare de Saint-Avre. Ce fut son dernier déplacement ; il revint de Lyon dans un cercueil.

Notre célèbre photographe exerçait son métier dans les bâtiments paternels où il était né le 22 août 1868, au Mollard, à Saint-Alban-des-Villards, en contrebas (juste en face) de la dernière fontaine située sur le chemin de la croix des Charrières et du Merlet. Resté célibataire, il vivait seul après la mort de sa mère et le départ des Villards de sa sœur Virginie. De toute la famille, il ne reste plus aujourd’hui qu’une seule petite nièce, Michèle Valat, née David-Nounaz, qui demeure à Marseille. Michèle est la petite-fille d’un frère de Pierre et de Virginie, Antoine qui a épousé une Frasson-Peiguet (Marie-Virginie, le 7 juin 1900), également du village de l’Église. Ce sont ses parents et son oncle qui ont réparé et restauré la petite maison familiale où elle vient avec ses enfants quelques jours, chaque année, en été. L’écurie et la grange sont tombées en ruines il y a déjà bien des années.

Saint-Alban-des-Villards a eu l’heureux privilège, ainsi que tout les Villards, de compter cet homme prodigieux dans sa population. Qui n’a pas une photographie émanant de lui et de son savoir faire ? Photos grandes ou petites, toujours sur carton avec, au dos, son cachet auquel il tenait avec juste raison. Mais hélas ces photos ne sont pas datées ce qui est bien regrettable. À cette époque la photo en couleur n’existait pas et pourtant il colorait à merveille certaines parties de la photographie ; ainsi le bleu des plates du costume de villarinche. Toujours avec son chevalet, et lui caché sous ce drap noir d’où il sortait plusieurs fois pour placer correctement la personne ou le groupe à photographier. Juste avant d’appuyer sur le bouton, il y avait toujours le : « Attention, pst ! » devenu célèbre. Ses photographies, on les retrouve, outre chez de nombreux sinon chez tous les Villarins, un peu partout en France, dans certains kiosques, et jusque chez les bouquinistes des quais de la Seine.I

■ Autoportrait ? (date inconnue).

C’est un riche héritage qu’il nous a laissé et qui constitue une part importante de notre patrimoine. Il photographiait les personnes seules bien sûr, mais le plus souvent des groupes : sorties de messe, mariages, groupes de gens d’un village, et sans oublier les conscrits, car, à 20 ans, à l’époque, le conseil de révision c’était l’épanouissement et l’occasion d’une « bringue » sans limite, chose qui peut paraître invraisemblable de nos jours. Dans la fin des années 1920 et au début des années 1930, les mariages célébrés à Saint-Jean-de-Maurienne venaient se faire photographier par Pierre David à Saint-Alban, pour ceux du moins qui possédaient déjà une automobile. En plus de la photographie, il peignait des tableaux qu’il allait vendre en Suisse et d’où il ramenait ses peintures de couleur. Il peignait fréquemment la combe du Merlet aux différentes saisons depuis la croix des Charrières.

Il vivait assez modestement, sans grands moyens financiers. Pourtant il s’habillait un peu comme un intellectuel. Il portait, même en semaine, le col blanc en celluloïd ou alors un petit nœud papillon noir surmonté de deux longs cordons qui descendaient sur sa poitrine. À l’époque, les gens le mésestimaient même plutôt car il n’était pas cultivateur comme tout le monde ; il était différent. Pourtant il parlait patois comme tout le monde à l’époque. Ce n’est que plus tard que chacun a pris conscience de sa valeur et de ses capacités professionnelles. Il était aussi d’une grande  gentillesse, fraternel et surtout non violent. Outre son travail de peintre-photographe qui lui prenait la plus grande partie de son temps, il travaillait les quelques parcelles qui lui venaient de ses parents. Il avait quelques brebis qui d’ailleurs lui tenaient chaud l’hiver à l’écurie. L’hiver il travaillait chez lui, le plus souvent sans chauffage. D’une part parce que il n’y avait pas beaucoup de bois, mais d’autre part aussi parce qu’il prétendait que le chauffage nuisait à ses peintures.

C’était un passionné de son métier qu’il essayait de perfectionner. Il avait fait des études à l’École des beaux arts de Lyon. Mais quand et dans quelles conditions ? Une demande auprès de l’administration de cette école, qui existe encore, n’a donné aucun résultat. Nous ne savons donc peu de chose hélas au sujet de sa formation. Nous essayons néanmoins d’en savoir davantage. De toute façon, il a commencé à faire de la photo au début de l’existence de celle-ci et dans la ville où elle a vu le jour : Lyon, ville des frères Lumière.↩︎

Roger Darves
et Pierre Quézel-Mouchet (§)

_______________________________________________
(§) Le Petit Villarin numéro 118 (décembre 2001).
(*) N. D. L. R. : En réalité Marie-Mélanie à l’état civil.↩︎
(**) Camille Girard, propriétaire de l’Hôtel du Glandon (Chef-Lieu de Saint-Colomban), assurait à l’époque (et assurera jusqu’à sa mort), le transport du courrier entre la poste de Saint-Colomban et la gare de Saint-Avre. Il prenait aussi des voyageurs.↩︎

3 réflexions sur “Exposition Pierre David-Nounaz dans la chapelle du Bessay

  • Braun Christine

    Merci pour ce bel article. Je découvre le personnage et l’artiste. Jusqu’à quand l’exposition sera-t-elle ?

    Répondre
    • Le Petit Villarin /Auteur de l’article

      Bonjour,

      Cette exposition qui sera inaugurée le 25 octobre prochain est permanente. Elle sera donc, très probablement, encore visible l’été prochain.

      Le Petit Villarin

      Répondre
  • VALAT Michèle

    Je suis Michèle Valat petite nièce de Pierre.
    J’aurais aimé participer à l’exposition le concernant mais des ennuis de santé me privent de cet échange.
    Je remercie infiniment la commune de St-Alban d’honorer la mémoire de mon grand-oncle qui a contribué par son travail de peintre et photographe à faire revivre les souvenirs des anciens.
    Que cette exposition se passe dans les meilleures conditions.
    Merci à Mme DUPENDLOUP.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *