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Nicolas Quézel-Guerraz, gardien de phare à Cordouan

Jean Garbolino était intarissable sur les patronymes composés des Villards, en particulier sur ceux des Quézel dont il avait coutume de dire « qu’il y en avait comme s’il en pleuvait ». Il en avait comptabilisé plus d’une quinzaine au cours de ses recherches généalogiques qu’il n’hésitait jamais à partager généreusement avec tous les passionnés de l’histoire locale et commentait avec force détails lors de rassemblements, notamment ceux des Quézel organisés en 2000 et 2005 (*).

En juin 2010, Jean Garbolino en prépara un troisième qui ne concerna que les Quézel-Guerraz, qui était le patronyme de sa mère, et se déroula dans le Sud-Ouest, où est établie une forte colonie de Quézel-Guerraz, et plus précisément dans le village de Beaudéan (Hautes-Pyrénées) situé à 6 km au sud de Bagnères-de-Bigorre sur les route de La Mongie et du Tourmalet. Une trentaine de personnes furent accueillis là, à 800 km des Villards, par Maïté et Christian Quézel-Guerraz infatigables ambassadeurs de la vallée des Villards également à l’origine de cette cousinade. Durant ces trois jours de retrouvailles (**), pour rappeler le pays en général et le hameau originel du Cruet en particulier, lors d’un repas, furent servis diots, beaufort, tomme et pain du pays, bugnes, le tout arrosé par un apremont bien frais…

Le rassemblement de Beaudéan : Jean Garbolino (debout, 1er à partir de la droite), Christian Quézel-Guerraz (debout, 5e à partir de la droite) et Maïté Quézel-Guerraz (debout derrière l’adolescente, cheveux longs et mains croisées devant elle). (Photo X.)

Depuis plusieurs années ces Quézel-Guerraz échangeaient avec Jean Garbolino des renseignements qui leur avaient permis de remonter très loin dans leurs racines villarinches et d’approcher les raisons de leur émigration vers le Sud via Béziers (pour Henri Quézel-Guerraz), Dax (Roger Quézel-Guerraz), Bordeaux (André Quézel-Guerraz), puis les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Orientales, l’Espagne et jusqu’à Gibraltar (Hélène Quézel-Guerraz). Toute cette documentation fut consignée dans un fascicule sobrement intitulé « Nos ancêtres les Quézel ». 

Après les disparitions de Jean Garbolino (2013), Christian (2015) et Maïté (2017) Quézel-Guerraz, les contacts avec le pays se sont faits plus rares et, aujourd’hui, les liens sont inexistants… Mais il suffit d’entendre un nom lors d’un reportage télévisé (***), un nom composé « bien de chez nous », pour se dire que, mais oui !, il y a toujours des Quézel-Guerraz dans le Sud-Ouest…

Ainsi Nicolas, 47 ans, qui exerce le métier bien singulier de gardien de phare à Cordouan, en Gironde : « Ça fait quatre ans que je suis gardien de phare. Avant j’étais artisan sur Lacanau, mais il y a 8 ans, avec ma compagne, on a décidé de quitter cette ville pour s’installer un peu plus au nord, à la pointe d’Aquitaine où on a restauré une grande maison en pierre. C’est là que, de fil en aiguille, j’ai  eu l’opportunité d’occuper ce poste. À l’origine j’étais artisan dans les volets roulants, la vitrerie et la serrurerie, domaine que j’ai complètement abandonné. »

Jusqu’au tournant des années 2000, le gardiennage des phares était une profession qui dépendait du service des phares et balises, un service public chargé d’entretenir les dispositifs d’aide à la navigation qui sont installés le long des côtes de France et d’Outre-mer pour signaler les dangers (écueils, hauts-fonds, etc.) et baliser les routes maritimes et les chenaux d’accès aux ports. Mais, depuis, l’État a demandé d’automatiser tous les phares et il n’y a plus de gardien de phare. Nicolas Quézel-Guerraz est donc l’un des rares encore en activité : «  Nous sommes les seuls gardiens parce que notre phare est un bâtiment d’État, un musée, et donc il faut tout le temps que le phare soit gardienné. On est les seuls en France et peut-être même en Europe. »

Construit il y a près de 450 ans (entre 1584 et 1611), le phare de Cordouan culmine à 67,5 m de haut, c’est le 3e plus haut de France et le point le plus haut de la Gironde. C’est aussi le plus ancien phare de France encore en activité. Nicolas Quézel-Guerraz : « C’est un vieux monsieur. Il a été construit à la demande de Henri III et terminé peu après l’assassinat d’Henri IV. Il y a 240 ans, il a été surélevé, et c’est le premier phare à avoir été équipé d’une lentille de Fresnel, par Fresnel lui-même, en 1823. Ce phare sert à guider les marins sur l’entrée de l’estuaire de la Gironde. Il est posé en plein milieu de l’entrée de l’estuaire sur un plateau rocheux qui était une île il y a 400 ans. Et c’est quand cette île a commencé à disparaître, il y a 400 ans donc, qu’ils ont décidé de construire ce phare pour continuer à symboliser le danger du plateau rocheux qui est dessous. Le plateau de cette île est découvert à chaque marée basse. Sur les gros coefficients de marée, on peut avoir 100 hectares de plateau découverts, et ensuite à chaque marée haute le plateau est recouvert et nous sommes isolés en mer. »

Nicolas Quézel-Guerraz devant l’entrée du phare. (Photo X.)

La présence des gardiens sur le site est nécessaire pour assurer l’entretien du phare et éviter les actes de vandalisme. Selon une organisation particulière. Nicolas Quézel-Guerraz : « On tourne à quatre gardiens mais on est six au total. Il y a deux collègues, un qui ne fait que l’été et un qui ne fait que l’hiver, et un troisième fait les remplacements de temps en temps. Mais on tourne à quatre comme ça toute l’année. On reste 15 jours ou une semaine en poste car notre planning varie constamment : on monte 15 jours, on descend une semaine, on remonte une semaine, on descend 15 jours. Cela pour mélanger nos plannings avec ceux des autres collègues afin de ne pas tourner jamais plus d’une semaine avec le même collègue. Notre métier consiste à effectuer des travaux d’entretien : peinture, réfection des joints entre les pierres, serrurerie, gestion des groupes électrogènes car le phare est entièrement autonome. On n’est pas relié au continent. Donc on gère les groupes électrogènes pour alimenter des batteries pour avoir du courant et pour alimenter la lanterne qui éclaire toute la nuit. »

Le phare de Cordouan, situé sur la commune Le Verdon-sur-Mer – dernière commune sur la pointe du Médoc –, se visite 7 mois par an (d’avril à octobre) et c’est aussi la raison pour laquelle il est gardienné. « On reçoit quelque 30 000 visiteurs par an, mais aussi des reporters, des chercheurs qui étudient le plateau et le phare, voire des artistes. Il y a 3 ans, le 24 juillet 2021, ce lieu emblématique a été inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. »

Nicolas Quézel-Guerraz n’a conservé aucun lien avec Saint-Alban-des-Villards où il ne s’est jamais rendu, mais ne dit pas qu’un jour, peut-être…

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(*) Avec Marie-Rose Mermoz (famille Quézel-Yoyon), Josette Noël-Lardin (Quézel-Ambrunaz), Daniel Quézel-Ambrunaz, Simone et Georges Quézel-Ambrunaz, Angèle et Raymond Quézel-Péron, Nicole et Christian Roche (Quézel-Ambrunaz), Éliane et Charles Jalbeaud (Quézel-Ambrunaz). Lire Le Petit Villarin numéro 133 (septembre 2005).↩︎
(**) Le Petit Villarin numéro 153 (septembre 2010).↩︎
(***) Merci à Paul Favre-Alliance.↩︎

Photo de « Une » : le phare de Cordouan à marée basse et au soleil couchant. – (Photo X.)

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