Le carnet

Anniversaire : Jeanne Bozon, une centenaire optimiste et gaie

Tandis que la France s’apprête à recevoir, en juillet, les jeux Olympiques d’été, le 6 avril 1924 Jeanne Victorine Tronel naît à Lachal alors qu’une épaisse couche de neige recouvre encore le village… Très vite, trop vite…, Jeanne devient l’aînée des jumelles Léa et Lily, puis d’Emmanuel, d’Odette, de Francis, récemment disparu, et endosse des responsabilités, s’occupant des plus jeunes, aidant aux tâches domestiques et aux travaux de la ferme.

L’électricité n’est apparue que peu à peu dans les villages et il n’y avait pas l’eau courante. « À dix ans, j’allais rincer le linge dans l’eau du Glandon, même en hiver. Le baquet était lourd et j’avais les petits doigts gelés, et, pour seule récompense, on me donnait un carré de chocolat et encore quand il y en avait. Mais on n’était pas plus malheureux que les enfants d’aujourd’hui car on ne connaissait rien d’autre et que nous étions tous logés à la même enseigne. »

Au début des années trente, la vallée des Villards était encore bien peuplée et comptait plusieurs écoles. Les élèves étaient nombreux. Ceux des hameaux de Lachal et Valmaure fréquentaient l’école du Champet où Jeanne retrouvait Irène Bellot-Mauroz, l’une de ses meilleures amies.

Leur institutrice, Joséphine Tranchant, était originaire de La Rochette. Peu après sa nomination, elle épousa Jacques Bellot-Champignon, un voisin en somme… De l’avis de tous ceux qui fréquentèrent l’école quand elle y enseignait, Joséphine Bellot-Champignon était « sévère mais compétente » et la plupart de ses élèves obtinrent leur certificat d’études. Ce qui fut le cas de Jeanne Tronel qui aimait apprendre.

■ Jeanne Bozon (deuxième à partir de la droite) entourée des siens. – (Photo famille Martin-Garin.)

Mais sitôt son certificat en poche, il fallut contribuer au travail de la maison, et puis continuer des études à Saint-Jean eut été trop coûteux… À 18 ans, Jeanne Tronel sera « placée », comme on disait à l’époque, pour effectuer des tâches ménagères chez des plus nantis pas toujours très sympathiques. C’est ainsi qu’elle se trouve à Paris à la fin de la Seconde Guerre mondiale et assiste au défilé de la Libération.

Quand arrivait la fin juin, Jeanne Tronel rentrait au pays pour rejoindre le chalet d’alpage familial en Comberousse : « J’y ai passé quelques-uns des meilleurs moments de ma vie, même si j’étais isolée, loin des jeunes de mon âge, mais nous étions dans une nature belle, vaste et familière. »

Un jour, sur la route du Châtelet, Jeanne rencontre un jeune homme des Roches. Il a deux ans de plus qu’elle et s’appelle Joseph Bozon… Et le 30 décembre 1950, c’est à pied, dans la neige, qu’ils se rendent avec leurs familles et leurs amis à l’église de Saint-Colomban pour se marier. Le couple quitte alors les Villards pour Grenoble et bientôt le foyer s’agrandit avec la naissance de Joël et de Joselyne, puis plus tard, de Fabrice, dont l’arrivée prochaine leur sera annoncée par leur père, juste avant qu’il ne reparte au travail, tout gêné : « Vous allez avoir un petit frère ou une petite sœur. » On est en 1967. Et c’est une famille heureuse qui revient tous les étés aux Roches où, sur la place, à côté du lavoir, se déroulent chaque soir ou presque de mémorables parties de pétanques… Mais bientôt, à la fin d’un de ces étés, Joseph disparaît laissant les siens désemparés. Courageux, tous font front tandis que Joël, 18 ans à peine, assume le rôle de chef de famille…

Le 6 avril dernier, 10 décennies et 13 présidents de la République plus tard, et – éternel recommencement – alors que la France s’apprête à recevoir de nouveau les jeux Olympiques d’été…, Jeanne Bozon a fêté son centenaire, au Triandou, entourée de ses trois enfants, de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants qui souhaitent conserver longtemps auprès d’eux cette « grandmie bugnes » qui les régale et leur sert d’exemple.

Le secret de Jeanne Bozon ? Son optimisme, sa volonté de ne jamais baisser les bras et de continuer à regarder vers l’avenir malgré les chagrins et les deuils, mais aussi son appétit de découvrir, de vivre et… d’apprécier la bonne chère, le champagne surtout.

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