Prédation du loup : la pression sur les troupeaux ne baisse pas
Depuis une ou deux saisons, on entend peut-être moins parler de la prédation des loups, aux Villards par exemple comme dans les communes avoisinantes. Moins de meutes, meilleure protection des troupeaux, organisation différentes des éleveurs… ? Pour Jacqueline Dupenloup, qui participe au nom de l’Association des maires ruraux de Savoie au comité départemental plénier sur le loup et les activités d’élevage (dernière réunion, le 11 décembre dernier), « une forme de résignation aux conséquences de la prédation est constatée ; ainsi les gens ne signalent plus systématiquement les indices de la présence du loup ». Cependant, « depuis quelques années la tendance est à la stabilisation du nombre de constats bien que les chiffres soient à prendre avec prudence d’une année sur l’autre car ils sont dépendant de l’enneigement, de la date de sortie des troupeaux, de la survenue ou non de dérochements… ». Mais ce nombre « reste sur un plateau haut et la pression sur les troupeaux ne baisse pas ». On relève « aussi 11,5 % de bovins parmi les bêtes attaquées ce qui génère l’inquiétude à la fois des éleveurs et de l’administration ». La Maurienne comptabilise 55 % des attaques contre 23 % en Tarentaise, 16 % dans la Combe de Savoie, 4 % dans le Beaufortin, 2 % dans le Chartreuse et l’avant-pays où il y a des loups mais pas de lynx. En Savoie, 285 dossiers de demande d’aides ont été déposés en 2022 représentant quelque 2,79 millions d’euros accordés au titre de la protection des troupeaux et exploitations contre la prédation du loup. En 2023, on en était à 3,30 millions d’euros avec 840 forfaits « entretien chiens de protection ».
Dans son intervention au comité départemental plénier, Jacqueline Dupenloup a particulièrement insisté « sur la protection des plus petits troupeaux, qui ont souvent un rôle important autour des villages. La direction départementale des territoires (DDT) indique que c’est effectivement difficile : il faut avoir plus de 25 animaux pour être éligible aux aides pour la protection. (D’où) pour les tout petits troupeaux, un problème de coût et de faisabilité. Solution : regroupement des troupeaux ou autofinancement. (Concernant) les troupeaux les plus « prédatés », la DDT confirme que sur certains secteurs « c’est très compliqué » ». La protection des troupeaux demeure complexe à mettre en œuvre avec une augmentation des conflits d’usage en montagne entre chiens de protection et randonneurs, et également, aujourd’hui, avec les habitants. Jacqueline Dupenloup : « (Avec) les conflits d’usage, le risque est très grand de voir se créer des zones séparées : tourisme d’un côté, élevage de l’autre. Ce n’est pas le tourisme que nous voulons. Certes il y a nécessité d’éduquer les randonneurs à ce qu’est un espace montagnard, rural et pastoral. Mais on a aussi des tensions avec les locaux, autour de la présence des chiens près des villages. » Enfin, pour le maire de Saint-Alban « il serait juste que les communes situées dans les zones impactées soient encouragées financièrement à construire des chalets de bergers en étant subventionnées à 100 % ».
Le nouveau plan Loup 2024-2029 a été publié le 23 février dernier. Selon Jacqueline Dupenloup, ses objectifs sont : « La conservation et la connaissance de l’espèce (vers un nouveau statut du loup qui pourrait passer d’espèce strictement protégée à espèce simplement protégée ?) ; expérimentation (en Savoie, expérimentation sur la protection des troupeaux de bovins, car on note un pourcentage d’attaques sur bovins significatif) ; simplification des tirs ; statut des louvetiers (avec une spécialisation prédation ?) ; relation avec les pays voisins pour suivi de l’espèce ; pour les statuts des chiens, fin des travaux des juristes en 2024. J’ai demandé à nouveau que les maires soient associés à ce travail. Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes m’a répondu : « il y a des élus au groupe national loups ». Mais les maires sont les premiers des élus concernés sur ces questions. Quand on est bloqué devant des chiens de protection, ce n’est pas le député qu’on appelle, c’est la mairie ! »
À noter que l’arrêté du 21 février 2024 sur les dérogations aux interdictions de destruction, introduit une notion nouvelle et importante : celle de troupeaux non protégeables, pour lesquels des autorisations de tir pourront être accordées en prenant en compte cette caractéristique.
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■ (Photo de « Une » Nicolas Revol.)