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Saint-Alban-des-Villards : un nouveau livre et un jeu de piste

Le nouveau livre que publie la municipalité de Saint-Alban retrace l’évolution des paysages de cette commune de la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Ce sont plus de 150 clichés anciens (collectés depuis 4 ans) issus de collections privées, des archives départementales de la Savoie, du RTM ou encore du Musée dauphinois qui sont reproduits et comparés aux paysages actuels réalisés par le photographe Mathias Spadiliero au cours de l’été 2023.

À l’occasion de la sortie de ce livre, la municipalité organise un jeu de piste à travers les hameaux de la commune le vendredi 2 août. L’objectif : à partir de clichés anciens tirés de l’ouvrage, retrouver le plus rapidement possible, en équipe, les lieux de prises des photographies. Ouvert à tous, le rendez-vous est donné sur la place du Chef-Lieu à 14 heures. À l’issu de ce jeu de piste, une soirée est proposée à 18 heures à la mairie avec présentation de l’ouvrage par les élus, suivie d’une exposition de photographies proposée par Mathias Spadiliero. À 20 heures un apéritif dînatoire viendra clore cette journée.

Cet ouvrage de 226 pages sera en vente à partir du 3 août en mairie de Saint-Alban-des-Villards, à l’office de tourisme de la vallée des Villards et à l’épicerie de Saint-Colomban-des-Villards (15 euros).

En feuilletant cette étude photographique, on s’interroge : à quand une telle compilation pour la commune de Saint-Colomban-des-Villards ?

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■ Photo de « Une » : la première de couverture.

Quelques pages du livre

Saint-Alban-des-Villards. Évolution paysagère d’une commune de montagne
Impression Cola Com, Saint-Jean-de-Maurienne, mai 2024, 226 p.

Le déclin démographique se traduit concrètement par de nombreux départs en direction du fond de la vallée de la Maurienne qui s’industrialisait dans la première partie du XXe siècle, ainsi que dans le sud de la France : Cavaillon, Béziers, Montpellier… Cet exode rural a eu des répercussions directes sur la physionomie de la vallée des Villards, les nombreux départs impliquent inévitablement l’arrêt des activités agricoles et par conséquence l’abandon des terres jusqu’alors pâturées ou cultivées. « La nature reprend ses droits en l’absence de l’Homme », cette formulation fut et est encore fréquemment employée pour caractériser les secteurs de déprise agricole. Concrètement cette absence d’entretien et d’exploitation des sols participe à laisser le champ libre aux dynamiques d’enfrichement, « apparaissent d’abord les plantes pionnières caractérisées par leur rapidité d’installation, et qui facilitent la venue des suivantes » (1). En quelques années, une parcelle entretenue pendant des siècles mais désormais à l’abandon peut être colonisée par la végétation laissée en libre évolution. Cela ne surprendra personne, Saint Alban-des-Villards est depuis plusieurs décennies marqué par une dynamique d’enfrichement important qui participe à la fermeture des espaces ouverts.

L’enfrichement : entre subjectivité d’un point de vue et difficulté pour une commune

L’enfrichement entraîne implicitement la présence de friches agricoles, or « la friche est inquiétante, car elle échappe à l’homme » (Éric Fottorino). Cette vision négative de la friche émerge au tournant des années 1970-1980 (2) dans un contexte où le déclin démographique atteint son apogée dans la vallée des Villards. Par effet de comparaison, somme toute légitime, la population locale effectue de manière implicite une comparaison entre l’avant enfrichement et la situation actuelle. Cette comparaison participe à l’émergence d’un sentiment de nostalgie vis-à-vis de l’ancien paysage agraire exploité désormais révolu, qui témoignait d’une certaine vitalité d’un territoire. C’est ainsi que dans le cas de Saint-Alban-des-Villards le déclin démographique est couplé dans son évolution à la croissance de la dynamique d’enfrichement du territoire communal au cours de la seconde partie du XXe siècle. En définitive, la vision négative de l’enfrichement résulte d’un mélange d’objectivité lié à cet effet de comparaison, mais également à une part non négligeable de subjectivité où la forêt qui pousse toute seule n’est ni accueillante, ni productive (3).

À travers les 14 chapitres qui composent cet ouvrage, la comparaison photographique entre des clichés anciens et ceux actuels vont mettre en lumière l’évolution des paysages de Saint-Alban-des-Villards entre la fin du XIXe siècle et le début du XXIe siècle. Libre à chacun d’y voir un enfrichement dramatique ou une évolution progressive et inévitable liée à la transformation de la société française au cours du siècle dernier. Nous laisserons donc aux lecteurs l’opportunité de se faire leur propre opinion. Dans ce but, nous avons souhaité modérer les légendes sous les photographies afin de demeurer le plus neutre possible dans la présentation de cet exercice diachronique.

Une approche comparative des paysages

Envisager Saint-Alban-des-Villards à l’aune de son enfrichement nous laisse entrevoir l’évolution du territoire. Pour cela, le présent ouvrage se structure autour de l’usage de la photographie en tant que mode d’illustration de ces évolutions. « Une photographie est toujours plus saisissante qu’une description, si complète et si détaillée qu’elle soit : elle apporte au débat un témoignage d’une valeur incontestable ; fixe l’histoire [et] la physionomie vraie de la montagne » à différentes époques (4). C’est ainsi que ce livre propose une approche diachronique des paysages de montagne. La diachronie peut être définie dans le cas présent comme l’approche comparative entre deux clichés pris au même endroit mais à deux époques différentes. Plus que de longs textes présentant l’évolution paysagère de la commune de Saint-Alban-des-Villards, il nous est paru plus judicieux de mettre en regard toute une série de clichés anciens pris entre les décennies1880 et 1970 – soit sur quasiment un siècle – et de les comparer à des photographies actuelles réalisées en 2023. Pour cela une collecte de photographies a été nécessaire. Celle-ci a débuté en 2020 au moment de la réalisation du sentier des hameaux abandonnés de Saint-Alban-des-Villards. Au cours des trois années qui ont suivi, plus de deux cents clichés anciens ont été recueillis par la municipalité dans le cadre des différents projets de mise en valeur du patrimoine qu’elle portait. À l’issue d’une sélection, c’est au total 106 photographies anciennes qui composent cet ouvrage, complétées de 74 photographies réalisées en 2023.

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(1) Schnitzler Annick, Génot Jean-Claude, La nature férale ou le retour du sauvage, Éditions Jouvence, Saint-Julien-en-Genevois, 2020, 176 p.↩︎
(2) De Belizal Édouard et al, Géographie de l’environnement, Éditions Armand Colin, Paris, 2017, 246 p.↩︎
(3) Moriniaux Vincent, La forêt. France, XVIIe-XXIe siècles, Documentation photographique dossier numéro 8150, CNRS Éditions, Paris, 2023, 64 p.↩︎
(4) Lebart Luce, La « restauration » des montagnes, les photographies de l’Administration des forêts dans la seconde moitié du XIXe siècle, pp. 25-37 in « Restaurer la montagne. Photographies des Eaux et Forêts du XIXe siècle », Somogy éditions d’Art, Paris, 2004, 188 p.↩︎

Le hameau du Chef-Lieu

■ Carte postale prise depuis l’amont du Chef-Lieu vers 1910. – (Photo Troccaz, Saint-Étienne-de-Cuines.)
■ Même vue en 2023. – (Photo Mathias Spadiliero.)

La croix des Charrières

■ La croix des Charrières au milieu du XXe siècle. – (Carte postale Cim.)
■ La vue en direction de la combe du Merlet a laissé place à la végétation. – (Photo Mathias Spadiliero.)

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