Anciens combattantsHistoire

Cérémonie du 11-Novembre 2024

C’est par un temps froid et sec que se sont tenues les commémorations du 11-Novembre en présence d’une soixantaine de personnes à Saint-Alban (un peu moins que d’habitude) et quelque 80 à Saint-Colomban, du commandant Guillaume Adoneth de la Gendarmerie nationale, du capitaine Ophélie Mondon du corps des sapeurs-pompiers de Saint-Jean-de-Maurienne, de membres de l’Association des anciens combattants et victimes de guerre de Saint-Alban-des-Villards et Saint-Colomban-des-Villards dont Gilbert Émieux, président, Patrick Louadoudi, vice-président et porte-drapeau, Marcel Louis, et de 7 musiciens de la batterie-fanfare de Cuines L’Écho des Montagnes (dont Céline Clérin du Premier-Villard).

Ces cérémonies ont débuté à 9 h 30 à Saint-Alban, une heure plus tôt qu’à l’accoutumée pour permettre aux participants de visiter une exposition présentée dans le hall de la Maison du tourisme sur les réfugiés de la guerre de 14-18 qui furent accueillis dans les communes du canton et aux Villards (lire ci-dessous). Elles se sont déroulées selon le protocole établi avec la lecture du message du ministre des armées, le dépôt d’une gerbe au pied des monuments aux morts (par Gilbert Émieux et Marcel Louis), la sonnerie aux morts, l’appel aux morts (par Marcel Louis et Georges Noël-Lardin à Saint-Alban et Gilbert Émieux et deux élèves de l’école intercommunale à Saint-Colomban), une minute silence et La Marseillaise interprétée par L’Écho des Montagnes. À l’issue des cérémonies, 6 enfants de l’école ont lu des lettres de soldats français et allemands qui évoquaient leurs vies au front et les blessures endurées…

■ Saint-Alban-des-Villards, lectures de quelques lettres. – (C. Mayoux.)

Le message de Sébastien Lecornu, ministre des armées et des anciens combattants et de Jean-Louis Thiérot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants rappelait « qu’il y a 106 ans, en 1918, à la 11e heure du 11e jour du 11e mois, de la boue des Flandres à la frontière suisse, les clairons égrènent les notes du « cessez-le-feu ». Aux fiertés de la victoire se mêle le cortège d’ombres des « péris en terre », accompagné de ceux qui les pleurent. Ce sont ces sacrifices que nous commémorons aujourd’hui, auxquels sont agrégés depuis 2012 celui de tous les « morts pour la France ». Honorer leur mémoire, c’est écouter ce qu’ils nous disent encore aujourd’hui. » Le 11 novembre étant devenu la date de commémoration de tous les conflits contemporains, furent aussi évoqués les soldats du commando Kieffer qui débarquèrent sur les plages de Normandie le 6 juin 1944, les soldats de la 1re armée de Lattre de Tassigny en Provence et ceux de la 2e division blindée du général Leclerc, les héros de la Résistance intérieure et les incorporés de force d’Alsace-Moselle, les parachutistes de Dien Bien Phu, et les soldats qui se battent aujourd’hui en opération extérieure, notamment aux Liban, pour y défendre la paix. « Comment ne pas voir que ces combattants ressemblent comme des frères aux poilus de 1914 ? (…) C’est pourquoi, réunis au pied du monument aux morts, élus, anciens combattants de toutes les générations du feu, enfants des écoles, nous ne sommes pas seulement la garde des morts, nous sommes d’abord les sentinelles des vivants. »

■ Saint-Colomban-des-Villards. – (R. Bellot-Champignon.)

Le message de l’Union fédérale des anciens combattants, lu par Gilbert Émieux, indiquait lui : « Dans les premières heures de cette journée anniversaire, nous voulons, suivant une tradition qui nous tient à cœur, rendre devant le monument qui rappelle leur sacrifice et leur gloire, un profond et pieux hommage à la mémoire de ceux qui sont morts pour la sauvegarde de notre pays, de son patrimoine, de son goût de vivre et de notre liberté. » (…) « Cette commémoration n’est pas qu’un rituel, c’est pour nous tous, l’occasion d’un retour mémoriel dans notre histoire et de nous rappeler ce sacrifice. (…) Nos espoirs à la fin de cette guerre doivent se concrétiser et ne pas devenir des illusions. »

■ De gauche à droite, Gilbert Émieux et Pierre-Yves Bonnivard. – (R. Bellot-Champignon.)

Dans son discours, Jacqueline Dupenloup, maire de Saint-Alban-des-Villards, a souligné que l’exposition des collégiens consacrée aux réfugiés arrivés en Savoie « depuis les départements de l’est et du nord, départements occupés par les Allemands parfois pendant presque toute la guerre, de la région lilloise aux Vosges faisait tragiquement écho à la première partie de XXIe siècle que nous connaissons ». « Dans le monde de 2024, à travers la planète, combien de populations civiles sont prises dans des conflits d’une brutalité sans nom, combien deviennent des réfugiés, déplacés à l’intérieur des frontières de leur pays comme l’ont été en Savoie des Lillois ou des Vosgiens pendant la Première Guerre mondiale, ou déplacés bien plus loin. » Et de mentionner les conflits d’Ukraine, du Soudan, de Somalie, de Birmanie,  de Palestine…

Jacqueline Dupenloup a conclu son intervention « par une requête, une supplique » : « La suppression d’un jour férié revient par intervalles dans le débat national. Si cela devait être, Monsieur le président de la République, Monsieur le premier ministre, ne touchez pas au 11-Novembre. Nos villages montagnards ont été trop touchés, trop meurtris, pour oublier les souffrances endurées par les poilus, le calvaire des morts pour la France, le coup terrible porté à nos populations. Oui, le 11-Novembre, devant ces noms écrits dans la pierre de nos monuments, nous nous retrouvons pour nous souvenir de leur sacrifice et de l’immense soulagement de la fin du conflit, pour transmettre encore le terrible témoignage de ce Villarin qui écrivait à sa sœur quelques mois avant sa mort au front en 1917, à 21 ans : « Si tu savais comme j’en ai mon sou de cette vie, il y a des jours que je sais pas ce que je ferais. Il faut espérez que ça ne durera pas parce que ce n’est pas une vie. » Pour lui et pour tous les autres, pour ceux dont Maurice Genevoix, dans son livre Ceux de 14, dit « Pitié pour nous, forçats de guerre qui n’avions pas voulu cela, pour nous tous qui étions des hommes et qui désespérons de jamais le redevenir », marquons encore et encore ce jour où le 11 novembre 1918, le cessez le feu mit fin aux combats. »

Une demande semblable à celles de nombreuses personnalités finalement entendues du côté de Matignon puisque Michel Barnier a clairement écarté cette idée indiquant que le 11-Novembre était « une journée fériée à laquelle nous sommes attachés » (*).

Ces cérémonies se sont terminées par un vin d’honneur servi à l’Hôtel de la poste.

Christophe Mayoux

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(*) Il en va tout autrement pour Jean-François Copé, maire de Meaux et ancien ministre, pour lequel nous n’aurions pas besoin d’un jour férié pour ce devoir de mémoire : « Il y a mille manières de commémorer sans pour autant ne pas travailler. Ou alors ça veut dire que nous avons 65 millions de Français qui sont au pied des monuments aux morts les 11-Novembre. Ça se saurait ». Très étonnant quand on sait que le musée français de la Grande Guerre a ouvert ses portes le 11 novembre 2011 à Meaux, ville dont M. Copé est le maire, ce musée de 3 000 m² étant le plus grand d’Europe sur la Première Guerre mondiale, avec une collection de près de 70 000 objets et documents retraçant la vie quotidienne et militaire de la guerre 14-18.↩︎

■ Photo de « Une » : Saint-Alban-des-Villards, place du poilu. – (C. Mayoux.)

Des réfugiés aux Villards en 1918

En 1918, la commune de Saint-Colomban-des-Villards a accueilli 9 familles du Pas-de-Calais et des Ardennes, sans doute suite à la destruction de leurs maisons, voire de leur village. Elles représentaient 22 personnes (dont une personne âgée et 9 enfants). Dix personnes étaient hébergées à l’Hôtel de la poste, qui les logea et les nourrit à ses frais, les autres chez l’habitant. Ces personnes travaillent la terre, paient leur gîte et leur couvert car tout n’est pas pris en charge par l’État (dont les aides tardent à venir…) qui les incite aussi à participer à l’effort de guerre… La commune de Saint-Colomban remerciera ses employés qui ont participé à l’aide administrative de ces réfugiés.

L’exposition présentée à la Maison du tourisme a été montée par des élèves du collège de Saint-Étienne-de-Cuines (Manon Cartier-Batteson, élève de 5e habitant Saint-Alban) et leur professeur d’histoire-géographie Bernadette Loschi (*). Elle concerne les communes du canton et donc les deux communes villarinches pour lesquelles les élèves ont été aidés par Stéphanie Chaboud-Crousaz (Le Frêne).

■ – (J. Dupenloup.)

La même année, ce sont 6 familles qui ont été accueillies à Saint-Alban-des-Villards dont une (famille Rigal) composée de la mère de famille, 35 ans (alors enceinte, elle accouchera 3 mois plus tard) et ses 6 enfants. Cette famille repartira en mars 1919 pour rejoindre le père de famille à Bruay. Une autre famille, la famille Malaprez est originaire de Saulces-Champenoises (Ardennes). Elle est composée du père âgé de 78 ans et de sa fille, Anna, 36 ans, divorcée. Ils quitteront les Villards le 18 septembre 1918 alors que la guerre n’est pas terminée pour rejoindre leur village d’origine.

■ – (J. Dupenloup.)

Certains déportés civils l’ont été parfois en fin de guerre à la libération de camps allemands, camps qui servaient à détenir les civils sans habitation ou dans des zones de guerre actives avec des bombardements.↩︎

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(*) Bernadette Loschi est l’auteur d’un livre intitulé Les Petites Savoyardes ont décroché la lune, consacré à l’usine de pâtes des frères Bozon-Verduraz (Saint-Étienne-de-Cuines). Cet ouvrage a été publié en 1995 par la Société d’histoire et d’archéologie de Maurienne (tome XXX, Imprimerie Salomon, 160 p.). Bernadette Loschi a également donné plusieurs conférences aux Villards sur le sujet.↩︎

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