Cérémonies du 8-Mai : les enfants au rendez-vous de la mémoire
Le matin, on se demandait : cette journée de commémoration sera-t-elle aussi tourmentée que le ciel de la vallée des Villards nous le promet ? Tiendra, tiendra pas ?
Devant une foule relativement importante pour cette période de l’année, qui bénéficiait il est vrai d’un grand pont (8 mai et jeudi de l’ascension), nos autorités locales ont lu les messages officiels des « hautes » autorités, textes peu originaux, désincarnés et qui manquent souvent de sel (lire ci-dessous). Heureusement, dans la vallée nous avons une arme secrète : Jacqueline Dupenloup, le maire de Saint-Alban-des-Villards, qui est revenu sur le rôle des maquis en Maurienne et qui nous a conté l’engagement dans la résistance locale d’une Ban’ne, Joseph Martin-Garin (lire ICI).
Sur le chemin du retour vers le Châtelet, je m’interrogeais : « Qu’aurais-je fait ? » Allez savoir… Et je me disais que ces devoirs de mémoire auxquels ont participé des enfants de l’école en lisant avec application des poèmes de Victor Hugo (Liberté, égalité, fraternité), de Chloé Douglas (N’oublions pas !) et de Paul Éluard (Liberté), sont plus que jamais nécessaires dans le monde détraqué qui est aujourd’hui notre quotidien.
Des preuves ? Arrivé chez moi, encore tout à mes réflexions, je m’assois dans mon canapé et j’ouvre la boite à catastrophes : la télé. Sur une chaine, une vielle mamie ukrainienne, 98 ans, en chaussons et en pleurs, est filmée tandis qu’elle parcourt plus de 10 kilomètres pour échapper à son enfer. Perdue, anéantie, hors du monde où elle a vécu. Je zappe. Là, la cause de son malheur fête sa 5° investiture tandis que, face à ses muscles, le reste du monde le regarde comme le font les vaches qui voient passer les trains. Autre reportage : là-haut, sur les cimes du Tourmalet notre président accueille un leader de la démocratie : le guide de la Chine. Le président avait même poussé la délicatesse à ce que la neige et le brouillard soient au rendez-vous car il ne faut pas dépayser le plus grand pollueur du monde. Espérons qu’avant de taxer les importations du fromage de brebis basque, notre visiteur l’ait apprécié. Autre chaine : là on nous narre les turpitudes d’un ex-futur président d’un état le plus puissant du monde qui traine tant de casseroles que même Tefal aurait renoncé à les lui fabriquer.
Au milieu de toutes ces nouvelles, un bout de bonheur, peut-être, avec l’arrivée de la flamme olympique à Marseille. Emblème de la paix. Pas de politique, que vous dites ? Mais que le sport semble loin de cette kermesse…
Vous allez dire que je suis un rabat-joie. Mais non ! Car moi j’ai les Villards et mon passé à moi. Face à Sambuis, mon humeur vagabonde et soudain je revois le vieux Djodjon (*), vous savez celui qui a fait la guerre, la vraie, celle de 14, et qui disait souvent : « Je n’ai pas les idées claires, verse-moi un canon, ça va me les éclaircir. » Il faut toujours suivre la sagesse des anciens. C’est ce que j’ai fait. Et comme j’ai trouvé le remède bénéfique, j’ai redoublé et plus. C’est un remède d’anciens, je vous le recommande.
Gilbert Pautasso
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(*) Joseph en patois villarin.↩︎
■ Photo de « Une » : Saint-Colomban-des-Villards. – (Photo Martine Verlhac.)
Le message des ministres
À Saint-Colomban, Pierre-Yves Bonnivard a lu le message de Sébastien Lecornu, ministre des armées, et de Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des armées chargée des anciens combattants et de la mémoire (1)
« Il y a 79 ans, à Berlin, la France surmontait « l’étrange défaite » de mai 1940 et l’esprit de collaboration. Le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie capitulait, le fracas des armes se taisait en Europe. Ce jour-là, il faisait chaud sur la France comme dans le cœur des Français lorsqu’ils ont appris la nouvelle : « La guerre est gagnée ! Voici la Victoire ! » Ces quelques mots, prononcés par la voix du Général de Gaulle, qui depuis le 18 juin 1940 avait poursuivi le combat, ont résonné dans le pays, et bien au-delà.
« La délivrance est là. Et, en même temps que les larmes de joie, la douleur fait briller les yeux des Françaises et des Français. Car la Victoire, si heureuse soit elle, n’efface ni la guerre qui a eu lieu, ni ses ravages et ni ses morts. Des ruines de Rennes et de Saint-Lô, aux plages de Normandie et de Provence, d’Oradour-sur-Glane aux monuments aux morts sur lesquels on gravera bientôt des noms nouveaux : c’est dans un silence de mort que résonnent les premiers cris de la Libération. Dans le silence des murs d’Izieu et de celui de toutes les maisons dont les habitants furent assassinés (…).
« 79 ans après, réunis devant nos monuments aux morts, nous leur rendons un même hommage. Nous nous souvenons de ceux de 40 et de leurs efforts héroïques, à Montcornet, à Saumur, à Narvik (2) ou dans les Alpes. Nous nous souvenons des hommes et des femmes qui ont refusé d’abandonner la Patrie à ceux qui l’avaient occupée et à ceux qui l’avaient trahie. Résistants, ils s’étaient engagés sans calcul, sans garantie, mais résolus à vivre libre ou à mourir. Nous nous souvenons des combattants des Forces françaises Libres, venant de France, d’Afrique, des outre-mer et d’ailleurs. Ils étaient soldats, légionnaires, aviateurs, tirailleurs, marsouins ou marins. (…) Nous nous souvenons du soutien décisif de nos Alliés d’alors, de ces combattants partis à l’assaut de l’ennemi côte à côte avec les Français libres, de ces millions d’hommes et de femmes qui se sont unis pour hâter la Victoire. Nous nous souvenons également de toutes les victimes civiles qui payèrent un immense tribut. Elles trouvèrent la mort dans les exactions de l’occupant ou les bombardements de l’invasion ou de la Libération. Nous nous souvenons des victimes de la déportation politique et raciale, dans les camps de concentration et dans les camps de la mort. Nous nous souvenons des juifs, tziganes, homosexuels, handicapés physiques ou mentaux, haïs et assassinés simplement parce qu’un jour ils étaient nés. Nous nous souvenons aussi de ces Français et des ces Françaises d’Alsace ou de Moselle, enrôlés malgré eux dans l’armée de l’occupant, sous un drapeau qui n’était pas le leur.
« Il y a 79 ans, la France et l’Europe avaient perdu leur innocence. Et c’est avec la conscience grave du passé que chacun se mit à imaginer les jours heureux. Avant même la fin de la guerre, de nouveaux défis se faisaient jour. De nouvelles ambitions, aussi. Une ambition politique partagée par toutes les forces qui avaient contribué à la Libération et qui, rassemblées autour du général de Gaulle, avaient formé un gouvernement provisoire. L’ambition de l’établissement de la démocratie la plus large, (…). Une ambition sociale, celle de la sécurité sociale, du droit au travail, de la sécurité de l’emploi. Celle qui a donné à tous les enfants la possibilité de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture, pour que soit ainsi promue une élite non de naissance mais de mérite. Une ambition économique qui, ne se limitant pas à la reconstruction, a offert à notre pays les moyens de son indépendance et de sa prospérité. (…) »↩︎
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(1) Jean-Louis Even, maire de La Roche-Jaudy a refusé de lire ce message pour montrer son désaccord avec la politique gouvernementale sur la réponse apportée aux problèmes des Ehpad et à l’accès aux soins. « Je ne dirai plus des messages qui certes sont très bien écrits, honorent très bien les morts, mais oublient les vivants. »↩︎
(2) Où des Villarins étaient présents, comme par exemple Alexis Martin-Cocher (Valmaure).↩︎