Matinée du 15-Août : « L’église était une véritable mer de couleurs chatoyantes »
Le cortège ouvert par deux accordéonistes est parti à 10 heures de la chapelle Saint-Claude au Martinan pour se rendre à l’église. À la sortie du hameau, il rejoignit le char des vieux métiers réalisé à l’initiative de Benoit Émieux (*) avec une dizaine de jeunes habillés en costumes des jours et de travail. Le thème de cette animation était le travail du bois et du foin avec d’anciens outils, et son accompagnement musical était assuré par Lola Bozon à l’accordéon. Cette nouveauté fut très appréciée lors des deux défilés que le char clôturait à chaque fois. Le tracteur et sa remorque à plateau ne pouvant pas traverser le Martinan au niveau du lavoir, il attendit le cortège vers le boulodrome pour le suivre.
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Comme l’année dernière, c’est le père Yves Delépine, en vacances chez la famille Garet (Letournel), qui attendait les fidèles à la porte de l’église et célébra seul la messe de 10 h 30 qui était coordonnée par Martine et Bernard Mugnier. Il était assisté de trois servants d’autel. Les costumés prirent place à l’avant où 80 places leur avaient été réservées, ce qui s’avéra trop juste et l’on rajouta quelques chaises.
Dans une église comble, la statue de la vierge dorée, fleurie deux jours auparavant par Maurice Bouchet-Flochet, portée en procession depuis l’entrée par six femmes et jeunes filles en costume de soie bleu fut déposée à droite du chœur face aux fidèles. Ces villarinches rejoignant leur place, j’observais les premiers bancs en pensant à Estella Canziani (1887-1964) qui, relatant sa visite un jour de fête à Saint-Colomban-des-Villards durant l’été 1905 écrivait : « L’église était une véritable mer de couleurs chatoyantes car chaque femme avait mis ses plus beaux habits, et il y avait là des fichus, des mouchoirs, des tabliers de toutes teintes : du rouge, du bleu, du vert, de l’orange, du pourpre. Beaucoup de mouchoirs étaient à longues franges ; de longs rubans brodés de fleurs et des tresses de perles pendaient dans le dos ; des étoiles en or et en strass, des agrafes avec des perles de couleur fermaient les ceintures. Les enfants et les bébés étaient aussi habillés de couleurs vives… »
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Dans son homélie, le prêtre précisa que si ce jour de l’Assomption était une fête religieuse, pour les Villarins, c’était également la fête de leurs traditions, de leurs racines et de leur identité. La chorale dirigée par Blandine Teyssier, et les chants par Blandine Maylié, étaient accompagnés par Florence et Paul Perrard à l’orgue et à la trompette, par Delphine et Louise Gamel ainsi que Mathilde Perrard à la flûte traversière. Il faisait plus chaud dans l’église qu’à l’extérieur et beaucoup de Villarinches s’éventaient avec le programme de la célébration.
Le pain bénit offert par l’Association des Villarins et amis de la vallée des Villards fut distribué avant le départ du cortège, à proximité de la sortie. Le défilé mit du temps à s’ébranler prenant toute la longueur de l’allée centrale du parvis jusqu’au chœur. Les cloches sonnèrent à toute volée, et ce fut un plus pour le défilé qui y gagna en gaieté et en solennité. La sonnerie dut être relancée jusqu’à cinq fois de suite avant que tous les costumés aient évacué le parvis de l’église. Malgré toutes ces secousses et vibrations occasionnées par les cloches, l’édifice, que l’on nous annonçait « au bord de l’effondrement » lors de la venue de Mgr Ballot en 2016, tint bon et aucune des nombreuses ardoises fusées ne tomba du clocher. Un vrai miracle…
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Sous les applaudissements, le défilé se fraya alors un chemin dans la foule encore plus dense que l’année dernière jusqu’au champ de foire. Parmi les spectateurs, on notait la présence de Jean-Pierre Trosset, auteur de deux ouvrages de référence sur les croix de Savoie. On parle de 2 500 personnes, cela me paraît beaucoup, mais plus que l’an passé c’est certain. Ce fut très dense jusqu’au gros tilleul, mais, dès la mairie passée, plus grand monde, et au niveau de l’Auberge du Glandon, il n’y avait plus personne, comme d’habitude. Le groupe descendit alors l’ancien champ de foire pour la traditionnelle photo et toute la foule réapparue là, massée à ses pieds, autour des tables, pour l’apéritif offert par la municipalité. Encore un miracle…
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On eut du mal à placer tout le monde correctement sur la photo. Celle prévue dans la salle des fêtes et annoncée à la fin de la messe n’eut finalement pas lieu (lire ICI), mais le groupe pu prendre tranquillement un rafraîchissement dans le bâtiment alors que Gérard Mugnier et les accordéonistes assuraient l’ambiance musicale devant la porte. Il y avait beaucoup, beaucoup de monde devant le four, des personnes que l’on ne voit qu’une fois par an, pour le 15-Août. Nous essayons de discuter un peu mais le temps passe vite, trop vite, et nous décidons de rentrer car il faut aller déshabiller les filles. Certaines sont pressées car elles travaillent au service du déjeuner puis l’après-midi.
Nous retournons à pieds aux voitures laissées au boulodrome. Passé le cimetière, je laisse les femmes prendre de l’avance, elles sont nombreuses cette année à rejoindre le Martinan. Sous le lourd soleil d’août, leurs jupes plissées tombent raides, et se balancent de droite à gauche, leurs rubans volent au vent, et leurs flat brillent et ondulent. Je repense alors à Estella Canziani : « Les costumes aux couleurs vives donnaient de loin aux femmes l’aspect de gros coléoptères courant au soleil. »
Et encore un 15-Août de passé…
Xavier Mugnier
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(*) Avec la participation de Alexis Bitz, Aurélien Bitz, Alizée Bozon-Viaille, Nathan Bozon-Viaille, Lou Émieux, Lola Bozon, Axel Émieux, Julien Émieux, Théo Favre-Tissot, Ambre-Lou Jalbeaud, Roman Peisey-Bozon, et Maïwenn Ledain.↩︎
■ Photo de « Une » : pendant la messe. – (Photo Le Petit Villarin.)