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Station de Saint-Colomban : un déficit record et un projet qui s’enlise

Dans ce document, intitulé « Informations aux Villarins », le collectif Décolle Saint-Col (1) rappelle les 3 « engagements » liés au tourisme du programme électoral sur lequel l’équipe municipale en place s’est fait élire en 2020 : « installer une télécabine, construire des lits et promouvoir un tourisme et une activité économique 4 saisons » (lire ICI). Puis, considérant que le « projet de téléporté est une coquille vide » et que la « pérennité de la station de ski semble remise en cause », les auteurs interpellent les élus sur les raisons de cette situation en formulant une série de questions dont la plupart ont été posées par Stéphan Pezzani lors de la réunion publique d’information organisée par la municipalité le 13 août dernier. Ils espèrent que des réponses seront apportées à leurs interrogations lors d’une réunion publique sur le sujet, laquelle, prévue en mars, a été repoussée.

Une situation budgétaire tendue

La publication de cette lettre intervient après une saison hivernale désastreuse qui s’est terminée prématurément le 10 mars. En cause, le manque de neige qui a réduit l’ouverture du domaine skiable à 56 jours – moins de deux mois – contre environ 80 habituellement (2). Si bien que le déficit d’exploitation atteindrait 1 million d’euros, le double des années précédentes.

■ Le front de neige le 10 février 2024. – (Photo X.)

Pour combler ce déficit, la commune doit verser à l’exploitant (SSDS Saint-Colomban-des-Villards) une subvention équivalente et inscrire son montant au budget communal 2024 en préparation. Mais, à la réunion du conseil municipal du 15 mars dernier, on a appris qu’il manquait environ 700 000 euros pour équilibrer un budget qui tiendrait compte de cette subvention… Pour les trouver (avant le 12 avril, jour de son adoption), il faudra effectuer des coupes claires dans les investissements tout en espérant des ressources complémentaires (subventions pour des travaux à réaliser dans l’année ?) et des aides extérieures (les exploitants de l’Arvan contribueront-ils au delà de leur participation actuelle ? (3)). Peut-être aussi augmenter les impôts… Depuis des semaines, la municipalité multiplierait les réunions avec la sous-préfecture, l’exploitant SSDS, la Soremet (groupe les Sybelles), Émilie Bonnivard (députée de la Savoie), etc., « pour trouver des solutions satisfaisantes »

Cependant, tous ces efforts consentis et tous ces moyens mobilisés ne le seront qu’à seule fin que le budget 2024 des remontées mécaniques puisse, à la fois, absorber le déficit de la saison passée et faire face aux dépenses nécessaires à la préparation de la prochaine qui, on le sait déjà, sera déficitaire même dans le cas d’un bon enneigement (4)… D’autant qu’il faudra intégrer au bilan de l’exercice le coût des grandes visites (entre 100 et 150 000 euros). Cet automne, une conseillère municipale indiquait que « le coût du domaine skiable, à partir de 2024, sera probablement de 800 000 euros annuels » (5).

Depuis plusieurs années, l’exploitation du domaine skiable engloutit une grande partie des ressources financières de Saint-Colomban. En 2023, la commune a consacré 46 % de ses recettes réelles au paiement de sa dette et à la reprise du déficit de la station. Cette année ce sera 63 %. Le patrimoine communal (bâtiments, gîtes, équipements, routes, chemins, etc.) se délabre et la commune n’a plus les fonds pour soutenir d’autres filières économiques qui le mériteraient dans la perspective d’une alternative au ski.

Un réaménagement incertain

Pour contenir ces pertes, il y a 5 ou 6 ans, la municipalité a proposé un « nouveau modèle économique » qui consiste à convertir le déficit chronique de la station (disons 600 000 euros) en annuités d’un emprunt (disons une dizaine de millions d’euros) qui permettrait, avec d’autres concours financiers, d’implanter un téléporté pour accéder directement – et plus rapidement – sur les crêtes de Bellard (à la Pierre du Turc, dans la dernière version, pour « s’intégrer au parc d’attraction World of Sybelles à l’étude sur l’Ouillon »…). Avec cet aménagement, la station « tournerait » même quand le bas du domaine ne serait pas enneigé.

Mais ce projet – qui supposerait le démontage de remontées mécaniques en place – s’est enlisé (les études environnementales complémentaires sont toujours en cours…), son coût est devenu exorbitant (quelque 30 ou 32 millions d’euros) et, ni le département de la Savoie ni la région Auvergne-Rhône-Alpes ne participeront à son financement. Quant aux dirigeants du groupe Sybelles, intéressés par cet équipement dans la perspective du projet sur le plateau de l’Ouillon, ils n’ont jamais fait de propositions concrètes… Ce téléporté ne devrait donc pas se réaliser.

Anticipant cet échec, des membres de la commission du domaine skiable ont étudié des plans alternatifs autour d’une télécabine de liaison pour, cette fois, accéder dans la combe de Bellard (idée déjà débattue en 2019), vers La Téchette, où « serait aménagée une zone attractive et d’enseignement du ski à tous les niveaux ». En quelque sorte, créer « Saint-Col 1 800 m ».

Moins onéreux (entre 15 et 18 millions d’euros) ces plans B (qui se développent parfois en plans A’ avec des extensions plus coûteuses…) nécessiteraient également des aides extérieures. Pour certains de leurs concepteurs, il faudrait « proposer au groupe Sybelles de reprendre le domaine skiable en assumant une part de ces investissements ou, au moins, de son déficit structurel de fonctionnement »… Soit, dans ce dernier cas, un retour à ce qui prévalait entre 1998 et 2016 quand l’exploitant (le groupe Maulin) laissait à la commune quelque 400 000 euros par saison (une subvention appelée à l’époque « pénalité pour lits non construits »).

Mais, plus le temps passe, plus des voix contestent le bien-fondé de ces investissements, pour des raisons différentes selon les interlocuteurs :
•  il n’est pas établi de manière convaincante que cette évolution permettra un retour à l’équilibre de l’exploitation du domaine skiable (l’étude sur la faisabilité économique du projet n’a d’ailleurs toujours pas été rendue publique). Notamment faute de nouveaux lits et alors que les hébergeurs professionnels ne remplissent pas les lits actuels et sollicitent tous les ans la commune pour des baisses de loyers, dans le meilleur des cas…
• quand bien même un équilibre d’exploitation serait atteint, cet aménagement n’apporterait pas de recettes supplémentaires à la commune qui devrait toujours « sortir » 600 000 euros et se retrouverait à peu près dans la même situation quant à ses marges de manœuvres budgétaires ;
• à cause d’une évolution climatique durable qui, jugent certains, serait « occultée » aux Villards alors qu’elle imposerait de « conditionner tout soutien public à l’investissement dans les stations au contenu des plans d’adaptation au changement climatique ». (6)

Sur ce dernier point, la Chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes indique : « Compte tenu de l’inertie climatique, quelles que soient les actions mises en œuvre ou non pour atténuer le réchauffement climatique, aucune inflexion n’est attendue à moyen terme. La période à venir, à minima jusqu’en 2050, sera donc marquée dans tous les cas par une poursuite du réchauffement climatique. » Et mentionne, comme « stations les plus menacées (en Maurienne) par les conséquences du changement climatique », Bessans, Bramans, Albiez-Montrond, Saint-Jean-d’Arves, Le Corbier et Saint-Colomban (7).

Cet hiver, à Saint-Colomban, il y a eu 56 jours d’ouverture répartis sur deux périodes, du 8 janvier au 19 février et du 27 février au 10 mars, et encore, selon un spécialiste, « pour une pratique du ski en mode dégradé, même sur la partie haute du domaine ». Le téléski de Rogemont n’a pas ouvert une seule journée… Durant la seconde période, le front de neige n’était plus enneigé et le retour en ski, impossible, de la combe de Bellard vers l’Ormet. « Il fallait prendre le télésiège de l’Ormet comme ascenseur ce qui a considérablement réduit le nombre de clients. »

Dans ces conditions, l’interpellation du collectif Décolle Saint-Col ne peut-elle pas être saisie, hors de toute analyse partisane, comme une invitation à penser un « nouveau modèle économique » qui prendrait réellement en compte tous ces éléments ?

 Emmanuel Tronel-Peyroz

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(1) Le collectif Décolle Saint Col regroupe des Villarins autour des personnes qui étaient candidates, sur la liste du même nom, à l’élection municipale du 15 mars 2020, soit : Emmanuel Bellot-Mauroz, Maurice Bozon, Jean-Baptiste Brosson, Bernard Christin, Norbert Combet, Julien Donda, Laurent Favre-Tissot, Stéphan Pezzani, Sandrine Ramos Camacho, Évelyne Rostaing-Troux, Caroline Verdun.↩︎
(2) La fermeture de la station du 19 au 27 février a été longuement commentée dans les médias nationaux, une « publicité » que d’aucuns ont reproché à la mairie.↩︎
(3) Une participation de 100 000 euros par saison depuis la saison 2020-2021 et jusqu’à la saison 2024-2025 incluse, pour 98 jours ouverts avec une retenue de 1 020 euros par jour fermé. Cette année, cette participation, qui devait être de 125 000 euros pour rattraper en partie la saison blanche due au Covid, ne serait donc que de 83 000 euros…↩︎
(4) Ces dépenses comprennent les réparations et les entretiens habituels, mais aussi les révisions du téléski de l’Ormet qui doit impérativement ouvrir l’hiver prochain pour des raisons de continuité administrative.↩︎
(5) Compte rendu de la réunion du conseil municipal de Saint-Colomban du 29 septembre 2023 (lire ICI).↩︎
(6) Rapport de la Cour des comptes, Les Stations de montagne face au changement climatique (février 2024).↩︎
(7) Rapport de la chambre régionale des comptes, Département de la Savoie. Société d’économie mixte Savoie stations ingénierie tourisme (février 2924).↩︎

■ Photo de « Une » : La combe de Bellard (11 mars 2024). – (Webcam du Chaput.)


INFORMATION AUX VILLARINS

Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les adjoints et conseillers municipaux
Mesdames et Messieurs les membres de la commission domaine skiable

Le programme de la liste Ensemble pour Saint-Col élue le 15 mars 2020, s’appuyait sur un programme dont les engagements majeurs étaient :

  • « Promouvoir un tourisme et une activité économique 4 saisons » ;
  • « Domaine skiable : mettre en place un appareil de type télécabine » ;
  • « Dynamiser l’hébergement touristique ».

Le conseil municipal actuel et son maire Pierre-Yves Bonnivard en tête ont été élus sur la base de ces engagements. Le projet de « type téléporté » devait être la base du développement de l’ « activité économique 4 saisons », pérenniser le tourisme hivernal par la liaison Sybelles et attirer les investisseurs immobiliers pour la construction d’« hébergement touristique » indispensable pour atteindre l’équilibre économique.

Au lieu de cela, à l’entame de la 5e année de ce mandat, le projet de « téléporté » reste une coquille vide, mais de plus à ce jour la pérennité de la station de ski semble remise en cause, dès la saison prochaine.
En effet, le projet de « type téléporté » avec son financement n’est qu’une fuite en avant. D’abord présenté comme bouclé fin 2019, à l’aube des dernières élections, pour un budget de 15 millions d’euros ; puis présenté à 20 et maintenant à 35 millions d’euros.

  • Pourquoi le projet estimé et financé en 2019 pour un montant de 15 millions € n’a-t-il pas été lancé ?
  • Pourquoi à ce jour, un projet démesuré et 2 fois plus long, de 35 millions € est-il le seul présenté ?
  • Quelles études ont été réalisées, quelles études sont encore en cours et à quelle échéance ?
  • Qu’en est-il du financement de ce projet de « type téléporté » ?
  • Y a-t-il des contacts avec des promoteurs pour l’ « hébergement touristique » ?
  • Pourquoi la commune réduit le budget 2024-2025 de fonctionnement du domaine skiable ?
  • Quelles sont les perspectives pour Saint-Colomban pour 2025-2026 : quel déficit budgété ? ; quels investissements envisagés ?

Des réponses vont-elles être rendues lors d’une « réunion publique », celle annoncée pour mars 2024 lors des vœux de fin janvier 2024 ayant été annulée lors du conseil municipal du 15 mars ?

Bien cordialement à vous tous, aux acteurs de notre vallée, ainsi qu’aux lecteurs de cette communication, dont chacun de vous optera nous l’espérons, à sa grande diffusion.

Collectif Décolle Saint-Col ↩︎

2 commentaires sur “Station de Saint-Colomban : un déficit record et un projet qui s’enlise

  • Robert Déprez

    (…) Pour l’avenir des Villards, il n’y a aujourd’hui plus que le développement touristique qui puisse favoriser son évolution.
    La vallée est à la sortie de l’autoroute, l’accès est facile, il faut créer des lits, favoriser l’investissement touristique, il faut réétudier le lieu d’installation de la station en fonction de l’évolution climatique, il faudrait surtout ne pas garder la station en statut communal il faut des investisseurs privés (n’est-ce pas trop tard tant celle-ci est dévalorisée ?). Il faut aussi développer le tourisme d’été.
    Nous avons des exemples dans d’autres vallées où des maires avaient des vraies visions d’avenir pour la communauté.
    On sent très bien que la lettre ouverte est politique venant d’opposants, est-ce la bonne voie?
    Aura-t-elle la moindre influence ?

    Réponse
  • Décolle Saint-Col

    Station de Saint-Colomban:
    Dénigrement du ski, et analyse à charge de la non pérennité de la station de tourisme
    L’article du Petit Villarin paru le 31 mars 2024 s’appuie sur la lettre du Collectif « Décolle Saint-Col » de Mars 2024, adressée au Maire et son Conseil, ainsi qu’à la Commission Domaine Skiable.
    https://lepetitvillarin.fr/station-de-saint-colomban-un-deficit-record-et-un-projet-qui-senlise/

    Il reprend notre interpellation, basée sur les engagements du Maire et son Conseil datant du programme électoral de mars 2020, fort du développement d’un tourisme 4 saisons
    « Promouvoir un tourisme et une activité économique 4 saisons »
    « Domaine skiable : mettre en place un appareil de type télécabine »
    « Dynamiser l’hébergement touristique »
    https://www.facebook.com/share/p/t7HC9VrbSLZWVSAy/?mibextid=WC7FNe

    Il décrit un scenario catastrophe, lié au déficit record de la saison 2024 qui s’achève, et en fait un plaidoyer à charge sur la non pérennité de l’activité même de la station de tourisme.
    Il n’est jamais fait à charge de la gestion en place par le Maire et sa municipalité. En particulier, la fuite en avant du déficit de la station supporté par la commune, au détriment d’investissements touristiques, tant communaux que privés.

    L’analyse du Petit Villarin, semble comporter des erreurs et un parti pris.
    • Son propos confirme un coût pour St Col lors de la gestion par la délégation privée de la SATVAC de 400k€ par an de 1998 à 2016. Alors que le paiement de ces «indemnités pour lits non construits» n’ont été dues qu’à partir de 2007 (la moitié de la période)
    • Deuxièmement, leur montant contractuel était de 385k€ (700 lits à 550€), auquel était déduit les 52,8k€ des mobiles homes du camping (96 lits) dès la 1ère échéance de 2007, soit une annuité de 332,2k€.
    • De plus, à l’ouverture des Chalets de Belledonne (350 lits), en 2015, l’annuité due n’était plus que de 139,7k€

    Ensuite, après avoir confirmé que le projet de téléporté de 35Millions € de la «Pierre du Turc» ne se ferait pas. Il annonce que le projet « plan B » de 15Millions € de téléporté de « Techette » resterait malgré tout déficitaire.
    • Et que même s’il était à l’équilibre il coûterait 600k€ par an à la collectivité. Et qu’avec ou sans téléporté, le cout pour la commune serait toujours de 600k€ par an.
    • En conclusion, il ne croit pas au projet de développement touristique pour St Col. Il n’envisage pas de recettes supplémentaires par le développement d’hébergement touristique, ni par la gestion privée du domaine skiable.

    Le Petit Villarin conclut donc, que le coût pour la commune restera de 600k€ par an, même avec un accord avec les Sybelles.
    • Il suggère qu’il faut une alternative au ski.
    Mais le projet de téléporté de Techette, accompagné de lits touristiques chauds, c’est dejà une alternative au tout ski, vers un tourisme 4 saisons.
    • Que propose-t-il, un modèle qui sort complètement du ski ?
    Et pour quel modèle touristique pour St Col?

    Il faut attendre le Compte Rendu du Conseil Municipal du 15 Avril ou la prochaine réunion publique pour obtenir des réponses?

    Réponse

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