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Trois crues successives du Glandon dévastent des habitations à Lachal

Depuis une dizaine d’années, après chaque crue du Glandon (ou presque), le constat des experts confrontés aux dégâts dans la traversée de Lachal est le même : « Il est impératif d’adapter au contexte torrentiel du Glandon le dispositif de prise d’eau de la centrale de Saint-Alban-des-Villards qui s’effectue actuellement à Lachal d’en bas au moyen d’une retenue. » Devant les atermoiements de l’exploitant, la Société hydraulique d’études et de missions d’assistance (Shéma) (*), à effectuer cette « adaptation », le 28 mars 2023, le préfet de la Savoie a pris un arrêté prescrivant des travaux qui visent à créer « une ouverture dans le barrage existant, dans l’axe du chenal, afin de permettre le transit sans entrave des crues et laves torrentielles ». Autrement dit à démanteler le barrage. L’arrêté fixe des dates butoirs : « L’exploitant (doit) déposer un dossier de demande d’autorisation d’exécution de travaux (…) avant le 30 juin 2024, et attester par écrit auprès de la préfecture de la Savoie de la date de fin de réalisation de ces travaux. Cette date ne doit pas excéder le 30 juin 2025. »

Le 30 juin 2025, justement…, après une heure de pluie battante (32 mm tombés en trois-quarts d’heure à Lachal, sans doute davantage sur le col du Glandon), trois crues de très forte ampleur (à 17 h 28, 17 h 53 et 17 h 59 ; voir vidéo à consulter ICI) sont venues brutalement rappeler aux riverains l’incapacité des pouvoirs public à faire obtempérer une filiale d’EDF créée pour gérer de petits aménagements hydro-électriques…

Des dégâts récurrents…

Deux habitations (celles de Roland Bellot-Champignon et Claire Martin-Cocher) et un jardin potager (Daniel Émieux) ont été saccagés de manière bien plus dévastatrice que lors des crues du 8 août 2018 qui apparaissent, rétrospectivement, comme une répétition générale de celles survenues le 30 juin dernier… Cette fois, les laves torrentielles ont inondé la cuisine – enfonçant porte et fenêtres –, l’écurie et la cave des Bellot-Champignon. Elles ont éventré la porte de l’atelier de Claire Martin-Cocher qui s’est rempli de boue jusqu’à une cinquantaine de centimètres du plafond… Le jardin de Daniel Émieux est recouvert de sédiment compact sur une hauteur jamais constatée jusque-là. Tout s’est déroulé comme si les travaux effectués après la crue de 2023, édification d’un merlon devant chez Claire Martin-Cocher et Daniel Émieux par exemple, n’avaient servi à rien… « Jamais on n’aurait pensé que ça reviendrait » déploraient-ils le lendemain… Comme en 2018, la cave de Jean-Paul Roux a été touchée. À Lachal d’en haut, la troisième crue, la plus violente (probablement celle provenant du nant de Lachal qui a fini d’emporter les garde-fous du pont des Moulins), a miné les berges situées à proximité des fondations de deux habitations en affouillant leurs talus au-dessus de la digue construite en 1966 et qui a été complètement recouverte. C’est la première fois qu’un tel phénomène est observé.

■ La maison des Bellot-Champignon. – (Photo Le Petit Villarin.) 
■ L’atelier de Claire Martin-Cocher. – (Photo Le Petit Villarin.) 
■ Le jardin potager de Daniel Émieux. – (Photo Le Petit Villarin.) 
■ La digue de Lachal d’en haut (4 octobre 1966). – (Document RTM.)  

Ces aggravations tiennent, c’est une évidence, à la force des flots torrentiels capables de transporter des blocs de roche de plusieurs tonnes, mais probablement aussi au fait « de moins en moins discutable » (selon un expert, et cependant toujours discuté…), que le lit du torrent, dans la traversée du hameau, s’élève de manière continue entre deux crues quand le Glandon est en mode d’écoulement normal, le barrage construit en travers du torrent empêchant les sédiments de s’écouler normalement.

■ Le pont des Moulins. – (Photo Le Petit Villarin.)

Les deux dernières crues sont arrivées dans le village à quelque 6 minutes d’intervalle. On n’ose imaginer ce qui se serait produit si les deux avaient été simultanées. Les garde-fous du pont des Moulins ont été emportés et la route communale entre Lachal et Valmaure est interdite à la circulation en attendant de savoir si le tablier du pont est détérioré. Le coffret électrique installé près de ce pont, endommagé à chaque crue et néanmoins replacé quasiment au même endroit, a été détruit et les câbles électriques arrachés. L’électricité a été coupée dans le hameau durant 24 heures. Sans attendre Enedis, occupé en haute Maurienne (durement touchée le même jour), c’est l’entreprise de Julien Donda qui a commencé à dégager les lieux avec son engin. Dans les jours qui ont suivi, et samedi 5 et dimanche 6 juillet encore, des bénévoles ont entrepris le nettoyage, qui prendra du temps, des deux habitations sinistrées (Bellot-Champignon et Martin-Cocher).

Les réactions…

Le 30 juin, à 17 h 50, le plan communal de sauvegarde a été activé par la mairie de Saint-Colomban-des-Villards. Il a été levé le lendemain à 11 h 30. En début de nuit, en lien avec les services préfectoraux, sept personnes parmi les plus exposées ont été évacuées de leur domicile et mises en sécurité chez des proches ou des amis alors que de nouveaux orages étaient annoncés en soirée. De mémoire d’habitants de Lachal, c’est la première fois qu’une telle mesure est prise lors d’une crue.

Le lendemain en fin de journée, Karima Hunault, sous-préfète de Saint-Jean-de-Maurienne, accompagnée par Pierre-Yves Bonnivard, deux adjoints au maire (Christine Reffet et Christian Frasson-Botton) et Rodolphe Neyroud, technicien RTM du secteur, a parcouru le site pour constater les dégâts et écouter les doléances des riverains touchés. Le 6 juillet c’est Cédric Vial, sénateur de la Savoie et conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, qui est venu.

Durant quatre jours, Rodolphe Neyroud a coordonné les travaux des quelque 6 ou 7 engins mécaniques dépêchés sur les lieux par les entreprises de travaux publics Martoïa TP, Baudray TP et Valenzano. Sa compréhension, sa disponibilité et son écoute face à l’impatience des personnes sinistrées ont fait l’unanimité. M. Neyroud leur a notamment expliqué les deux types de travaux qui allaient être entrepris : en premier lieu, des travaux d’urgence (terminés) pour sécuriser le site et évacuer les matériaux autour des maisons pour en permettre l’accès ; dans un second temps, qu’il n’a cependant pas daté, des travaux de consolidation pour la protection des biens par renforcement des berges, creusement du lit du Glandon (pour éviter de rehausser chaque fois les merlons), dégagement et rehaussement par enrochement de la digue de Lachal d’en haut, située rive droite du Glandon, en amont du pont des Moulins. Ces derniers travaux dépendent du Syndicat du pays de Maurienne (qui les finance, compétence Gemapi) dont un des ingénieurs, Gaël Bouron, chargé de mission pour les rivières, était sur les lieux vendredi 4 juillet (**).

Un représentant de la société Shéma était également présent sur les lieux le lendemain des inondations avec Bernard Lago, opérateur du barrage basé à Saint-Rémy-de-Maurienne, pour expliquer, en substance, que l’ampleur des dégâts n’avait rien à voir avec la présence du barrage et, qu’avant que Shéma n’entreprenne des travaux d’urgence, il fallait attendre pour savoir si ces évènements allaient être déclarés en catastrophe naturelle… Une telle demande de reconnaissance en catastrophe naturelle a été effectuée par la mairie.

Le 3 juillet, un hélicoptère du peloton de gendarmerie de haute montagne de Modane, dans lequel avaient pris place, outre le pilote et un technicien, Pierre-Yves Bonnivard, Rodolphe Neyroud et Maxime Odinot (TDL Maurienne), a survolé l’ensemble du lit du Glandon… et échappé de justesse à un accident qui aurait pu être dramatique. En survolant le pont du Rivaud pour prendre des photos des bois que les flots ont accumulés contre les piles de l’ouvrage, l’engin a évité un ancien câble électrique qui alimentait le hameau de Bon Mollard et abandonné là depuis 1980… (Un câble servant au transport du foin depuis Bellard traînerait encore en travers des creuses situées au fond du nant de Lachal.)

La gestion du barrage

Les riverains frappés par ces crues sont abattus par la répétition de ces dégâts matériels. Ils sont surtout en colère, un sentiment partagé par l’ensemble des habitants du hameau. Et l’on entend parler d’association de défense, de pétitions, de dépôt de plainte, de signalements auprès de journaux militants voire nationaux… Car comment faire comprendre – s’exaspèrent-ils – à ceux qui ont un pouvoir (petit, semble-t-il) que le principe d’une retenue comme dispositif de prise d’eau n’est pas adapté au torrent du Glandon qui connait un transport solide intense et soudain ? Une particularité connue et renseignée bien avant que le projet ne prenne forme…

Ces dégâts récurrents démontrent aussi les limites des modalités de la gestion actuelle de la vanne de fond, établies suite aux crues de 2017 et 2018, imposant son ouverture en cas de l’émission d’un bulletin de vigilance orange par Météo France, car tous les orages n’ont pas lieu durant ces périodes de vigilance : les crues sur les petits bassins versants alimentant le Glandon, en amont de Lachal, sont soudaines ce qui complique l’anticipation de l’ouverture de la vanne de fond. À moins que, par précaution, la retenue soit vidée préventivement comme ce fut le cas la veille du drame. Le lendemain, elle fut incompréhensiblement remplie alors qu’à Lachal tout le monde s’attendait à des orages…

À l’arrivée de la première crue, la retenue était-elle ouverte ? « Oui, a affirmé M. Lago, peu après 17 heures. » Néanmoins, cinq minutes avant que la première crue n’atteigne la retenue, des témoins ont observé des ressacs allant du déversoir vers le centre du plan d’eau alors que le vent était contraire… Et constaté, au moment où cette première crue est arrivée, que le niveau de la retenue était quasiment identique à ce qu’il était en milieu d’après-midi. Tout cela avant que, quelques minutes plus tard, l’ouverture, enfin efficace, permettre le passage des flots et fasse baisser brusquement le niveau.

Toutes ces questions, démantèlement de la retenue, gestion de l’ouvrage, sécurisation des berges dans la traversée du hameau, enlèvements des gravats stockés et retour du site à la nature, etc., seront très probablement posées et débattues lors de la réunion publique que la mairie de Saint-Colomban-des-Villards organise le 9 juillet prochain à 18 heures à la salle des fêtes.

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(*) Conçue par un groupe d’anciens d’EDF – peu à peu mis de côté par des « privés » au fur et à mesure de l’avancement des études… – l’exploitation de la centrale de Saint-Alban-des-Villards (dont la retenue de Lachal est partie intégrante) a été attribuée à la société Forces hydro techniques (FHYT) le 26 octobre 1999 par arrêté préfectoral. L’aménagement a été mis en service en 2003. L’exploitation a été reprise par la société Forces hydrauliques de Meuse (FHYM, arrêté préfectoral du 25 novembre 2008) puis la Société hydraulique d’études et de missions d’assistance (Shéma, arrêté préfectoral du 26 décembre 2017).↩︎
(**) Pour la Maurienne, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) est une compétence du Syndicat du pays de Maurienne.↩︎

■ Photo de « Une » : le pont des Moulins . – (Le Petit Villarin.)

5 réflexions sur “Trois crues successives du Glandon dévastent des habitations à Lachal

  • Benoit GARRET

    Bon courage à tous les sinistrés !

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  • Didier Gabriel

    Bon courage aux frères Bellot et tout les autres. Bien amicalement Gaby🤗

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  • Tronel

    Je vous remercie de ce reportage impressionnant. Je souhaite bon courage aux frères Bellot et aux autres personnes sinistrées. Amicalement. Françoise

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  • Christelle Darves-Blanc

    Merci pour ce reportage bien développé qui éclaire sur la situation.
    Courage aux sinistrés.

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  • Coin Ségolène

    Bravo pour cet article qui résume très bien la situation et ce que nous endurons depuis plus de 20 ans, il est temps que cela cesse !
    Rendez-nous notre village!

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