Un rapport de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes juge injustifié le versement d’une subvention municipale à l’exploitation du domaine skiable
Le 15 juillet 2024, la chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes a publié un rapport sur le budget primitif de la commune de Saint-Colomban-des-Villards. Ce rapport a été mis en ligne sur le site Internet de la CRC le 24 juillet en fin d’après-midi (le consulter ICI).
Le budget primitif de la commune est composé d’un budget principal et de deux budgets annexes : le budget annexe des gîtes et le budget annexe des remontées mécaniques qui retrace l’activité du domaine skiable communal. Ce budget primitif a été voté en équilibre par le conseil municipal le 15 avril 2024 (lire ICI).
La CRC a été saisie par le préfet (12 juin 2024) après que les services de l’État aient « constaté (dans ces budgets) plusieurs irrégularités caractérisant l’absence d’équilibre réel » et notamment « des reprises anticipées (parfois partielles ou erronées) des résultats sans délibérations ni justificatifs ; le versement d’une subvention d’équilibre du budget principal au budget annexe du service public industriel et commercial (SPIC) des remontées mécaniques sans délibération la motivant ; la non-inscription de dépense obligatoire (remboursement en capital de la dette du budget annexe des gîtes). »
Pour les magistrats de la CRC, si les sections de fonctionnement et d’investissement du budget principal apparaissent en suréquilibre, ce qui ne constitue pas un déséquilibre, les deux budgets annexes (des remontées mécaniques et des gîtes) n’ont pas été adoptés en équilibre réel.
Pour arriver à cette conclusion plusieurs arguments sont cités par les juges : pas de reprise anticipée des résultats, aucun reste à réaliser pris en compte dans l’affectation des résultats (« la commune ne tient pas de comptabilité d’engagement »), omission des travaux d’entretien pour les remontées mécaniques et les pistes (pourtant transmises par l’exploitant, SSDS, à la commune), aucune dotation aux amortissements inscrite (pour l’achat de dameuses en 2022 et 2023), etc.
Mais la raison la plus importante développée dans le rapport concerne la subvention d’équilibre versée au budget annexe des remontées mécaniques qui est jugée « insincère » par les magistrats (subvention qu’ils évaluent à 880 000 euros au lieu des 653 000 euros inscrits au budget communal).
« Insincère » veut dire ici illicite dans le sens où, selon la CRC, « les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial doivent être équilibrés par les recettes perçues sur les usagers (vente de forfaits) et non par le contribuable (subvention du budget principal). La prise en charge par le budget de la commune de dépenses afférentes à ces services n’est possible que dans le cadre des exceptions : l’existence de contraintes particulières de fonctionnement liées aux exigences du service public, ou la réalisation d’investissements ne pouvant être financés sans une augmentation excessive des tarifs. » Ces dérogations ne permettent donc en aucun cas de subventionner durablement un service structurellement déficitaire.
« Or, précisément, constatent les magistrats, cette subvention d’équilibre est récurrente en raison du déficit structurel de l’exploitation du domaine skiable, aggravé par l’évolution défavorable de l’enneigement. Les subventions versées par le budget principal représentent en moyenne 84 % du chiffre d’affaires sur les quatre dernières années (hors Covid). Les recettes d’activité ne couvrent en moyenne que 57 % des dépenses du budget annexe, alors même que ce budget ne comprend aucun amortissement des biens. Le versement de cette subvention est d’ailleurs prévu au contrat de régie intéressée (signé avec SSDS), ce qui atteste de son caractère récurrent. »
En conclusion : « Une telle subvention du budget principal (vers le budget annexe des remontées mécaniques), ne répond à aucun des cas dérogatoires. Elle doit dès lors être regardée comme irrégulière et insincère, et ne peut être valablement retenue pour contribuer à l’équilibre du budget primitif 2024. »
À notre connaissance, c’est la première fois que cette irrégularité est signalée à la commune de Saint-Colomban et on peut se demander pourquoi, depuis le temps qu’une telle subvention (qu’elle soit dite « d’équilibre » ou pour « lits non construits »…) est versée au budget annexe des remontées mécaniques… Ce type d’alerte est connu dans d’autres départements. Par exemple, en 2024, le préfet de Haute-Savoie a adressé à la commune de La Chapelle-d’Abondance, « un recours gracieux lui demandant de retirer la délibération accordant (une) subvention d’équilibre (à la société exploitant son domaine skiable) ». (La commune de La Chapelle-d’Abondance ayant passé outre cette demande, le préfet de Haute-Savoie a saisi la CRC…)
Après avoir démontré l’insincérité des budgets, les magistrats « proposent à la commune des mesures de redressement » qui écartent d’emblée toute augmentation de la fiscalité qui « reviendrait à augmenter de six points soit près de 10 % le taux actuel de la taxe foncière sur les propriétés bâties (61,03 %), déjà très supérieur au taux moyen observé dans le département (35,23 %) ».
Par ailleurs, les magistrats estiment que le protocole de répartition des recettes qui a été conclu en 1999 entre les six communes membres du domaine des Sybelles (qui prévoit une affectation des recettes de vente du forfait « Sybelles » au prorata du moment de puissance des remontées mécaniques installées dans chaque station), ne peut « constituer une source crédible de recettes » puisque « aucune des démarches tendant à le faire appliquer (n’a) abouti ». Reconnaissant par là que ce protocole ne peut s’imposer aux parties qui ne le souhaiteraient pas…
Finalement la CRC propose à la commune trois budgets réellement équilibrés et « demande au conseil municipal de prendre, dans le délai d’un mois, une nouvelle délibération rectifiant (les budgets initiaux) ».
Pour atteindre cet objectif, la CRC autorise le versement d’une subvention d’équilibre au budget annexe des remontées mécaniques assortie d’une « invitation » : « Compte tenu du caractère structurellement déficitaire du domaine skiable, et en l’absence d’autre ressource disponible, la chambre invite la commune à envisager la fermeture d’une partie des remontées mécaniques ou la fin de l’exploitation de la station à l’issue de la prochaine saison de ski en 2025, la convention de délégation de service public expirant au mois de novembre de la même année. Dans ces conditions, une subvention du budget principal au budget annexe de 880 121 euros peut, à titre exceptionnel et transitoire, être prévue pour assurer l’équilibre du budget 2024 et accompagner la fermeture du domaine skiable ou la réduction de son parc de remontées mécaniques. »
Enfin, les magistrats soulignent que « la régularisation des amortissements antérieurs à 2024 (et) non comptabilisés devra être menée par la commune ». Ces amortissements sont liés aux investissements effectués sur le domaine skiable. Leurs montants ne sont pas connus mais, le 12 juillet dernier, en ouvrant la réunion où furent présentées les conclusions de l’étude Climsnow sur l’évolution de l’enneigement du domaine skiable villarin dans les prochaines décennies, Pierre-Yves Bonnivard avait avancé le chiffre de « quelque 200 000 euros » par an, ajoutant que cette somme viendrait augmenter le déficit du budget des remontées mécaniques…
Le conseil municipal de Saint-Colomban-des-Villards a désormais un mois pour adopter des budgets en équilibre réel et… un an pour répondre à la proposition de la CRC : « (fermer) une partie des remontées mécaniques ou (mettre) fin de l’exploitation de la station à l’issue de la prochaine saison de ski en 2024-2025 », saison au-delà de laquelle on a compris qu’aucune subvention d’équilibre ne serait plus acceptée.