La commune de Saint-Colomban est propriétaire du bâtiment G
L’Établissement public foncier local (EPFL) de Savoie a acquis, fin mai, le bâtiment G de La Perrière pour le compte de la commune de Saint-Colomban-des-Villards (150 000 euros TTC). La décision d’acquérir ce bâtiment (et les terrains attenants, d’une superficie totale de quelque 900 m²) a été prise par le conseil municipal le 25 mars 2022 puis confirmée le 13 mai 2022. Non sans quelques discussions… (1)
Pour réaliser cette opération, une « convention de portage » a été signée entre la commune et l’EPFL, pour une durée de 8 ans. Cette convention prévoit des remboursements annuels de 18 750 euros et des frais de portage annuel de 2 % (13 500 euros HT sur 8 ans) exigibles avec la 8e annuité. Soit un montant total de 166 200 euros. La première annuité devrait être versée à l’EPFL dans les prochains mois.
La solidité de ce bâtiment – construit en octobre 1998 par la Société immobilière des Villards (2) – faisant débat au sein du conseil municipal, la commune de Saint-Colomban avait demandé à l’EPFL (avril 2022) une étude dont les conclusions recommandent de le démolir une fois acquis (lire ci-dessous).

L’histoire de cet immeuble est rocambolesque (3). Jusqu’en 2010, il appartient à la société Promotion immobilière du Sud Est (PISE) qui est détenue par la société Universel Participations SA dont un des administrateurs est à l’époque M. Gustaaf De Keyser. De droit luxembourgeois, Universel Participations SA est elle-même détenue par deux sociétés domiciliées, l’une à Niue, l’autre dans les îles Vierges britanniques, deux pays répertoriés, dans la presse spécialisée, comme des paradis fiscaux notoires.
En septembre 2010, PISE décide de vendre ce bâtiment à une SARL créée le 21 avril 2010. Son nom : l’Étang de La Perrière. Son siège social : « Bâtiment G, quartier La Perrière à Saint-Colomban-des-Villards ». Ses actionnaires : PISE (10 % des parts) et M. Tim De Keyser (90 %) qui en est le gérant. Le prix de la transaction : 460 000 euros HT, soit près de cinq fois le prix payé par PISE pour l’acquérir en 2005 (95 000 euros).
Saisi d’une demande d’intention d’aliéner à l’occasion de cette transaction, le conseil municipal de Saint-Colomban renonce (13 septembre 2010) à son droit de préemption, décision assortie de conditions (4) :
• que les travaux démarrent « fin septembre 2010 pour rendre le bâtiment hors d’air et hors d’eau avec finition de la couverture, du crépi extérieur et des balcons, finition des abords (et) aménagement d’un appartement témoin pour une commercialisation courant février 2011 ;
• fin des travaux au plus tard le 30 juin 2011. L’acquéreur s’engage à payer des pénalités à la date du 30 juin 2011 à concurrence de 550 euros par lit manquant (N.D.L.R.: 92 lits). Cette pénalité sera reconductible d’année en année et ce jusqu’à la fin du chantier ;
• lors de la signature de cette vente, le conseil municipal se réserve le droit de prélever les pénalités sur les lits manquants de l’année 2010. »
Suite à ce renoncement communal, PISE cède le bâtiment G à l’Étang de La Perrière… et les conditions posées par le conseil municipal ne seront pas respectées, ni suivies d’effet.
Le 20 décembre 2013, PISE se désengage de l’Étang de La Perrière en cédant ses parts (10 %) à une société de droit luxembourgeois créée en 2003, Global Conseils SA, dont le capital (32 000 euros) est détenu par deux sociétés : Luxfiducia (0,3 %, déclarée au Luxembourg) et Sanisto Finance SA (99,7 %, domiciliée aux îles Vierges britanniques…).
Cette cession de parts a été enregistrée le 4 mars 2015. Quelques jours plus tard PISE est placée en liquidation judiciaire et, compte tenu des dettes qu’affiche cette société, le bâtiment G est hypothéqué pour une somme de 400 000 euros.
Depuis, aucun repreneur ne s’est (sérieusement…) présenté pour acheter ce bâtiment. Le 25 mars 2022, Pierre-Yves Bonnivard, maire de Saint-Colomban avait indiqué que la commune voulait l’acquérir « dans le but de reprendre la main sur 5 000 m² de terrain », ajoutant : « Dans la stratégie foncière de la commune, cet achat est une très très bonne opération si le bâtiment est en bon état, et une très bonne opération dans le cas contraire. »
Deux arrêtés de « péril non imminent » ont été pris par la commune, le 16 mai 2013 et le 3 février 2020. Mais désormais propriété communale, ce bâtiment – qui est régulièrement vandalisé – va devoir être mis en sécurité afin que la responsabilité de la commune ne soit pas engagée.
_____________________________________________
(1) Lire Le Petit Villarin numéro 199 (mars 2022) et numéro 200 (juin 2022).↩︎
(2) Le commercial de ce programme était Roger Salvador qui sera condamné plus tard dans le cadre de cette opération immobilière.↩︎
(3) Pour une chronique plus complète, lire Le Petit Villarin numéro 200 (juin 2022).↩︎
(4) Compte rendu du conseil municipal de Saint-Colomban-des-Villards du 13 septembre 2010.↩︎
■ (Photos Le Petit Villarin.)
Une expertise de l’EPFL relève des « défauts structurels inquiétants »
L’établissement public foncier local (EPFL) de Savoie a effectué (13 avril 2022, 3 semaines après que, le 25 mars, le conseil municipal ait décidé de l’acquérir…) une visite du bâtiment G pour en évaluer l’état.
Le rapport note « des bétons altérés, des armatures et des menuiseries cassées, des linteaux sciés » et relève des « défauts structurels inquiétants : sur plusieurs ouvertures, du rez-de-chaussée notamment, les linteaux ont été sciés, la dimension de la réservation ne correspondant pas à la dimension de la menuiserie (de ce fait, le linteau en l’état ne peut remplir sa fonction) ; à de nombreux endroits à l’intérieur du bâtiment des réservations ont été créées pour le passage de canalisation (avec) peu d’armatures dans les bétons (…) ; au dernier étage certaines ouvertures ne sont manifestement pas équipées de linteaux. »
Dans l’hypothèse où le conseil municipal déciderait « de réhabiliter et terminer l’aménagement » de ce bâtiment, l’EPFL indique « qu’il serait impératif de missionner un bureau d’études (spécialisés dans les) structures afin qu’il puisse garantir la durabilité du gros œuvre » en vérifiant « notamment le ferraillage pour permettre un re-calcul de la structure ». Ces études coûteraient environ entre 10 000 et 15 000 euros, et concluraient sans doute, souligne le rapport, que « d’importants travaux de renforcement de certains éléments structurels seront très probablement nécessaires ».
En conclusion, l’auteur du rapport suggère à la commune « de préférer, à la solution de réhabilitation qui nécessiterait dans tous les cas des travaux de déconstructions d’intérieur, la solution de démolition qui permettra une liberté beaucoup plus grande dans le projet d’aménagement de tout le secteur ».↩︎